Il y a au cœur de la présente campagne du Parti québécois un paradoxe. Alors que, pour des raisons tactiques compréhensibles, il a laissé de côté le temps d’une élection la question de l’indépendance, tellement la population y semble étrangère, ses derniers soutiens, ceux qui tiennent bon alors que tout semble lui tomber sur la tête, lui demeurent fidèles justement à cause de sa raison d’être.
Ils voient le PQ au-delà des apparences : ils s’attachent à sa mission fondamentale, comme s’ils savaient que ce parti, malgré ses contorsions idéologiques, demeure le porteur historique du projet souverainiste.
Indépendance
On notera qu’il en est de même pour les anglophones, pour qui le PQ, peu importe ce qu’il dit, demeure le monstre séparatiste à terrasser.
On aurait pu croire aussi que le PQ miserait sur une campagne identitaire, pour imposer certains thèmes essentiels dans la campagne, comme l’immigration, la laïcité ou les accommodements raisonnables. Une telle campagne avantage normalement celui qui transgresse le politiquement correct. Elle aurait peut-être aussi permis au PQ d’être le principal adversaire du Parti libéral, en s’emparant de la question qui soulève le plus les passions de l’électorat et qui interpelle aujourd’hui ceux qui veulent parler d’identité sans nécessairement parler de souveraineté. Ces questions ont un grand potentiel mobilisateur. C’est à travers elles que les Québécois redécouvrent la charge existentielle de la vie politique.
Pour l’instant, ces enjeux sont absents.
Le PQ a plutôt misé sur une campagne ultra pragmatique, en se présentant comme un bon gouvernement provincial en attente. Comme on dit, il veut répondre aux besoins des familles.
Jusqu’ici, son principal engagement consiste à faire des lunchs à la place des parents, pour nourrir les élèves le midi, et à organiser un système plus ou moins étatique de covoiturage. On peut trouver qu’il s’agit de bonnes ou de mauvaises idées. Mais ce qui les caractérise d’abord, c’est de relever de la vie quotidienne. Elles touchent moins à l’avenir de la nation qu’à la vie ordinaire, avec ses petites misères.
On peut y voir un signe de plus de la provincialisation d’une vie politique de plus en plus détachée de la question nationale.
Il faut néanmoins noter que la base péquiste est particulièrement vivante. S’agit-il de l’énergie du désespoir ?
Le PQ n’a pas l’avantage d’être une porte d’accès à la classe dirigeante, comme le PLQ, ou d’avoir d’excellents sondages, comme la CAQ, qui a su rassembler une impressionnante équipe de leaders qui voient dans ce parti un véhicule pour le renouveau. Il aligne pourtant des candidats de qualité, alors que dans un tel contexte, le commun des mortels pourrait avoir envie de fuir le navire.
Militants
C’est que le PQ, malgré les bons jours et les mauvais jours, demeure un parti de militants, d’abord engagés pour la cause de l’indépendance.
Retour à la case départ : ces gens se mobilisent pour la raison d’être d’un parti qui croit ne pas pouvoir l’afficher. Après cette élection, le combat pour l’indépendance devra vraiment être repensé sur de nouvelles bases.