Les dirigeants de Bombardier se comportent comme des monarques. Non pas comme les papillons du même nom, mais comme ceux qui, à l'instar des rois, se croient tout dû de droit divin.
Malgré son gavage répété au fil des ans à même les fonds publics et à coups de milliards de dollars, malgré même les bonus pharaoniques récoltés par ses dirigeants, Bombardier annonce ce matin la perte de 5000 emplois, dont 2500 au Québec.
Autant d’emplois perdus ce sont autant de familles précipitées dans l'inconnu.
Le monarque Bombardier s’est même permis de mépriser ses employés visés au point de passer par un simple communiqué de presse pour annoncer la mauvaise nouvelle.
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Le Parti québécois et Québec solidaire, il va sans dire, sont en furie. Bien des Québécois le seront aussi. La raison?
On a beau savoir que l’industrie de l’aéronautique est subventionnée à l’os à travers le monde – le Québec ne fait donc pas exception -, il n’en reste pas moins que la gloutonnerie des dirigeants de Bombardier dans leur propre rémunération combinée aux milliards reçus en fonds publics et les pertes d’emplois annoncées avec nonchalance, c’est tout simplement inacceptable.
Dans l’opposition, François Legault était fortement critique des subventions versées à Bombardier. Non pas sur le principe même, mais dans la mesure où elles ont été fort mal négociées par le gouvernement Couillard.
Ce qui se passe aujourd’hui lui donne amplement raison. À l'époque, le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, émettait d'ailleurs les mêmes critiques.
Ce midi, en réaction, le nouveau gouvernement Legault semblait plus timide.
Bombardier, le géant, est certes intimidant pour tous les gouvernements du Québec.
De peur de nuire à sa réputation et ce faisant, de l'affaiblir face à ses compétiteurs, les gouvernements se gardent de critiquer Bombardier sur la place publique.
Ce qui, d'un point de vue politique et économique, est une logique qui peut se défendre.
Le nouveau premier ministre dit donc vouloir minimiser l'impact des pertes d'emplois tout en se tournant vers l'avenir de Bombardier.
Il faudra pourtant – derrière des portes closes s’il le faut -, que le nouveau premier ministre fasse comprendre à Bombardier que l’argent des Québécois, ce n’est pas la «petite caisse» personnelle de ses dirigeants pour des bonus sans la moindre retenue, ni pour congédier des employés par milliers en leur annonçant la chose par communiqué de presse.
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D’ailleurs, il faut lire le communiqué de presse de Bombardier pour pleinement saisir la déconnection du réel qu'on y trouve en ce qui concerne ces employés sacrifiés.
Dans le jargon usuel des firmes toutes-puissantes, on y parle de «rationalisation»; de «restructuration»; d’«optimisation»; de «vente d’actifs non stratégiques»; d’«amélioration de la productivité»; de «plan de redressement»; de «recentrage» de portefeuille, etc.
Oh, et puis, quelque part plus loin dans le communiqué, on laisse tomber l’essentiel comme s’il s’agissait d’un simple détail, un détail voire même positif pour l'entreprise:
«Globalement, ces efforts entraîneront une réduction d’environ 5000 postes à l’échelle de l’entreprise au cours des 12 à 18 prochains mois, et donnera lieu à des économies annuelles d’environ 250 millions $ lorsque la réduction aura été totalement réalisée, ce qui devrait se concrétiser d’ici 2021. Bombardier s’attend aussi à comptabiliser une charge de restructuration d’un montant similaire qui sera présentée dans les éléments spéciaux en 2019.»
La belle affaire, quoi. On coupe des emplois pour économiser. Quelle innovation !
Plus insultante encore est la déclaration qu’on y trouve de son président, Alain Bellemare :
«Notre cycle d’investissements massifs étant maintenant complété, nous continuons à progresser dans l’exécution de notre plan de redressement. Avec les annonces d’aujourd’hui, nous mettons en œuvre les prochaines mesures nécessaires pour concrétiser la pleine valeur du portefeuille de Bombardier.
Durant la phase de construction des résultats et des flux de trésorerie disponibles de notre redressement, nous continuerons de façon proactive à recentrer et rationaliser l’entreprise ainsi qu’à allouer nos capitaux avec discipline.
Je suis très fier de ce que nous avons accompli jusqu’ici, et je suis très enthousiaste face à notre avenir. »
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Très fier ? Vraiment?
Allez donc le demander aux milliers de familles dont la mère ou le père perdra son emploi.