Mike Duffy n’est pas le seul qui se retrouvera sur la sellette à la reprise de son procès mercredi. Puisqu’il a déjà déclenché la campagne électorale, Stephen Harper sera contraint de commenter le scandale de son ex-sénateur tous les jours. Et surtout cette semaine, car son ex-chef de cabinet Nigel Wright prendra la parole pour la première fois. Un témoignage qui s’échelonnera sur plusieurs jours.
Le procès hypermédiatisé du sénateur déchu Mike Duffy devait ne durer que huit semaines. Mais les audiences se sont étirées ce printemps. Résultat : elles reprendront pendant trois semaines à compter de mercredi et devront fort probablement être prolongées de nouveau à l’automne.
La reprise sera haute en couleur, avec le retour fort attendu de Nigel Wright. L’ancien proche de Stephen Harper a rapidement quitté Ottawa, après que le scandale l’entourant eut éclaté. Il sera de retour de Londres pour témoigner en personne au palais de justice d’Ottawa, a-t-on confirmé au Devoir la semaine dernière. Un passage à la barre qui attirera médias et curieux. Car Nigel Wright n’a jamais raconté publiquement ce qui s’était passé en 2013, soit sa décision de rembourser la dette de Mike Duffy à sa place, ses tractations avec des sénateurs influents pour que M. Duffy soit épargné d’un rapport sénatorial et l’étendue de ce qu’il a dit à son patron de l’époque, Stephen Harper.
C’est sur ces questions que risque de l’interroger l’avocat de Mike Duffy, Donald Bayne, qui plaide que son client a été forcé par M. Wright et l’entourage de M. Harper d’accepter les 90 000 $. La couronne argue plutôt que c’est le sénateur qui a sommé M. Wright de l’aider à rembourser la Chambre haute.
Un supplice quotidien pour Harper
Au fil des jours, le chef conservateur devra répondre aux questions quotidiennes des journalistes qui le suivent sur la route à bord de sa caravane électorale.
Outre les révélations de Nigel Wright, d’autres questions risquent de revenir le hanter. Car des documents déposés en cour par la GRC ont cité des courriels de son ancien chef de cabinet. En février 2013, lorsque c’est le Parti conservateur qui devait rembourser la dette de Mike Duffy, Nigel Wright avait écrit à des collègues du bureau du premier ministre qu’il voulait « parler au PM avant que tout soit considéré comme final ». Puis, il a rapporté que « tout est OK pour le PM ». Au mois de mai suivant, après qu’il fut révélé que Nigel Wright avait payé les 90 000 $, ce dernier a écrit que « le PM sait, en termes généraux seulement, que j’ai personnellement aidé Duffy quand je l’ai convaincu d’accepter de rembourser les dépenses ».
Des conversations qui n’ont jamais été expliquées par M. Wright, ses interlocuteurs, ou le chef conservateur.
Les interrogatoires des médias ne dureront pas qu’une semaine. Quand Nigel Wright aura quitté la barre des témoins, ce sera au tour de sénateurs conservateurs ayant participé à ces pourparlers de témoigner. Marjory LeBreton — qui était leader du gouvernement au Sénat à l’époque —, David Tkachuk et Carolyn Stewart-Olsen ont reçu une citation à comparaître. Irving Gerstein, qui gérait les fonds conservateurs lorsqu’il a été question d’y puiser pour permettre à Mike Duffy de rembourser le Sénat, pourrait lui aussi être appelé. Idem pour le libéral George Furey, qui siégeait avec les sénateurs Tkachuk et Stewart-Olsen au comité préparant un rapport sur le cas de M. Duffy.
D’anciens employés de M. Harper pourraient également être convoqués par la Couronne : Ray Novak (son actuel chef de cabinet), Benjamin Perrin (son conseiller juridique à l’époque), David van Hemmen (l’ancien adjoint administratif de M. Wright) et possiblement Chris Woodcock (qui était directeur de gestion des dossiers au bureau du premier ministre).
Le chef conservateur témoignera-t-il ?
Une fois cette liste épluchée, ce sera au tour de la Défense de convoquer sa liste d’une douzaine ou d’une quinzaine de témoins.
L’avocat de Mike Duffy n’avait pas exclu d’appeler Stephen Harper à la barre, au printemps dernier. Mais il semblait moins enclin à aller de l’avant en juin, lorsque s’est clos le premier bloc d’audiences du procès de son client.
Le chef conservateur aurait toutefois plus de mal à refuser, maintenant que la campagne électorale a été prolongée. Les élus peuvent invoquer le privilège parlementaire pour refuser de témoigner en cour. Ce privilège s’applique 35 jours après la dissolution du Parlement et 35 jours avant la reprise des travaux. La campagne de 79 jours s’étire donc au-delà de cette fenêtre. Et plusieurs observateurs estiment que le Parlement risque de ne pas reprendre ses travaux avant la fin de l’automne, voire le début de l’année prochaine s’il y avait un changement de gouvernement. C’est donc dire que Stephen Harper pourrait techniquement être sommé de comparaître.
Car les audiences qui reprennent cette semaine s’étireront jusqu’au 28 août et reprendront ensuite du 18 novembre au 18 décembre (si nécessaire), moment où le chef conservateur ne sera plus protégé par le privilège parlementaire.
Nombreuses accusations
Son ancienne recrue Mike Duffy fait face à 31 chefs d’accusation de fraude, d’abus de confiance et de corruption. C’est cette dernière catégorie que la Couronne n’a pas encore abordée, tout comme le fameux chèque de 90 172 $ de Nigel Wright.
Les procureurs reprochent au sénateur d’avoir indûment récolté des allocations de déplacement pour aller participer à des activités partisanes ou personnelles, et d’avoir puisé dans son budget discrétionnaire de sénateur pour offrir des contrats qui n’auraient pas été couverts par la Chambre haute. Mike Duffy est enfin accusé d’avoir touché des indemnités de logement pendant quatre ans, en plaidant habiter principalement l’Île-du-Prince-Édouard — qu’il représente au Sénat — plutôt que sa demeure d’Ottawa. C’est pour rembourser ces allocations que Nigel Wright lui a fourni 90 172 $. Au total, la Couronne lui reproche de s’être fait rembourser 154 000 $ de dépenses injustifiées.
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