Joël-Denis Bellavance
_ Ottawa
Stephen Harper a beau multiplier les gestes d'ouverture pour faciliter la réélection de Jean Charest à Québec, les mandarins fédéraux, eux, jettent l'éponge.
Les hauts fonctionnaires à Ottawa jugent en effet quasi inévitable la victoire du Parti québécois dirigé par André Boisclair aux prochaines élections provinciales, qui pourraient avoir lieu au printemps.
Le taux record d'insatisfaction des électeurs à l'endroit du gouvernement Charest depuis deux ans fait que le Parti libéral du Québec a très peu de chances de remporter un deuxième mandat de suite, selon eux. C'est du moins le constat que font les fonctionnaires du bureau du Conseil privé dans un cahier d'information destiné à Michael Chong, nouveau ministre des Affaires intergouvernementales du gouvernement conservateur.
«Alors qu'il entreprend la quatrième année de son mandat, le gouvernement Charest est hautement impopulaire auprès des Québécois. En 2005, le taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement Charest était de 69%, en hausse comparativement au taux de 64% obtenu en 2004», peut-on lire dans ces documents ministériels obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Résultat: si des élections générales avaient lieu maintenant, le Parti québécois remporterait facilement la victoire, selon les fonctionnaires fédéraux. Et les troupes souverainistes auraient «le mandat» de tenir un troisième référendum sur la souveraineté du Québec «le plus tôt possible», concluent-ils.
«Au chapitre de l'unité nationale, le programme du Parti québécois stipule que les prochaines élections générales porteront sur la construction d'un pays. Mais il ne dit pas un seul mot sur le projet d'un partenariat économique ou politique avec le reste du Canada. Néanmoins, le chef du Bloc québécois (Gilles Duceppe) a déjà indiqué qu'un tel partenariat serait souhaitable, mais pas nécessaire», soutient-on dans le document.
Le dernier sondage CROP-La Presse publié la semaine dernière démontre d'ailleurs que le gouvernement Charest reste impopulaire auprès des Québécois, bien que le taux d'insatisfaction ait baissé à 57%. En outre, ce coup de sonde, réalisé entre le 17 et le 28 août auprès d'un millier de Québécois, accordait 32% des intentions de vote au PLQ contre 37% au PQ. L'Action démocratique du Québec de Mario Dumont ne récoltait que 13% des appuis.
En général, le PLQ doit détenir une avance d'au moins cinq points de pourcentage sur le PQ pour espérer décrocher la majorité des sièges à l'Assemblée nationale, en raison de la concentration du vote libéral dans la région de Montréal.
Une tâche difficile
En privé, les stratèges conservateurs conviennent que la tâche sera difficile pour le PLQ de remporter un deuxième mandat de suite et éviter ainsi au Québec et au reste du pays une troisième aventure référendaire en trois décennies. Mais on mise sur les talents de batailleur de Jean Charest en campagne électorale pour faire mentir les nombreux sondages qui prédisent une victoire du Parti québécois.
On souligne aussi que le Parti québécois a vu ses appuis fondre d'au moins 10 points de pourcentage depuis qu'André Boisclair a été élu chef en novembre dernier.
Mais l'idée que le Parti québécois puisse former le prochain gouvernement et tienne, comme promis, un autre référendum sur la place du Québec au sein de la fédération canadienne commence à inquiéter la classe politique et les mandarins à Ottawa.
D'autant que sur la scène fédérale, le Parti libéral, réduit à 13 sièges au dernier scrutin et encore affaibli par le scandale des commandites, et le Parti conservateur, qui ne compte que 10 députés, auraient de la difficulté à contrer le Bloc québécois, qui compte 50 députés.
Certains fédéralistes à Ottawa, dont Michael Ignatieff, adoptent d'ailleurs un ton dur dans le dossier de l'unité nationale.
Dans une entrevue accordée à La Presse, la semaine dernière, M. Ignatieff, l'un des meneurs dans la course à la direction du Parti libéral du Canada, a en effet affirmé que le gouvernement fédéral et un futur gouvernement du Parti québécois devraient s'entendre au préalable sur le libellé de la question avant la tenue d'un autre référendum.
Il a aussi affirmé que la majorité nécessaire devrait être bien au-delà de 50 % plus un. Bref, il tient à ce que la Loi sur la clarté référendaire soit appliquée dans son intégralité.
«Il faut avoir des règles dans cette affaire. Il faut avoir de la clarté. Pourquoi ? Parce qu'on veut éviter la guerre civile et j'ai toute la confiance du monde qu'on va éviter cela», a-t-il dit.
M. Ignatieff s'est fait rapidement rabrouer par le premier ministre Jean Charest et le Bloc québécois.
M. Charest lui a reproché d'avoir un ton alarmiste en évoquant la guerre civile, tandis que le Bloc québécois l'a accusé de tenir des propos d'une autre époque.
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