Le Front national, un dilemme pour les médias français

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Ils ne parviendront pas à endiguer la vague qui s'annonce

Le Front national, sous la gouverne de Marine Le Pen, tente depuis plusieurs années de « dédiaboliser » son image en vue d'élargir sa base politique et d'accéder un jour au pouvoir. Son approche pose un dilemme pour les médias du pays, qui s'interrogent sur la ligne de conduite à suivre dans leur couverture à l'approche du prochain scrutin présidentiel, comme en témoigne une récente prise de position du Monde à ce sujet.

Quelle est l'approche préconisée par Le Monde?

Dans un numéro spécial paru au début de la semaine dans laquelle le discours du Front national est passé au crible, le directeur du quotidien français, Jérôme Fenoglio, indique qu'il ne publiera dans ses pages aucune tribune émanant des ténors de la formation. Le principe, appliqué depuis de nombreuses années, est réitéré avec force et reflète la volonté des dirigeants du journal de ne pas donner au parti un « signe supplémentaire de son institutionnalisation » à l'approche d'un scrutin présidentiel dans lequel la candidate d'extrême droite a d'excellentes chances de figurer au second tour.

Comment le journal abordera-t-il le Front national ?

M. Fenoglio note que le quotidien n'entend pas minimiser « ou passer sous silence » la « parole lepéniste » et traitera son parti avec la même rigueur que les autres par des portraits, des enquêtes ou des reportages, tout en s'abstenant d'offrir une tribune libre à ses dirigeants. Le procédé vise à contrer les tentatives de « dédiabolisation » orchestrées par Mme Le Pen, qui essaie, selon le journal, de dissimuler sa personnalité « clivante, son programme irréaliste, ses idées dangereuses » derrière un discours moins conflictuel que celui de son père, Jean-Marie Le Pen.

Le Front national a-t-il vraiment changé ?

Aux yeux du Monde, la réponse est claire. Bien que Marine Le Pen ait « réduit les outrances », elle partage les « obsessions » de son père et pense que la France est « au bord de sombrer parce qu'elle est rongée par un mal intérieur - l'immigration -, menacée par un ennemi extérieur - l'Europe - et trahie par ses élites ». Cécile Alduy, professeure de l'Université Stanford qui a analysé dans un ouvrage récent l'évolution du discours de la dirigeante du Front national, estime que les seuls changements « substantiels » apportés par la politicienne portent sur l'antisémitisme et le racisme biologique, qu'elle récuse. Elle a aussi, note Mme Alduy, « importé des concepts venus d'autres horizons politiques » comme la laïcité ou les droits des femmes, « qui sont utilisés comme des armes rhétoriques contre l'immigration musulmane ». La dirigeante du FN, ajoute l'analyste, tient aussi fréquemment un double discours dans lequel des expressions en apparence anodines renvoient aux mesures historiquement défendues par son père.

Le traitement différentiel du Front national est-il justifié ?

Denis Muzet, sociologue français spécialisé dans l'étude des médias, relève que la volonté affichée du Monde de « décrypter » en tout temps le discours du Front national « peut se comprendre » à la lumière des orientations idéologiques du parti. Mais la nécessité d'un décryptage approfondi s'applique aussi aux autres partis dans un contexte où la parole politique est de plus en plus élastique et transformée par des tentatives de storytelling, relève l'analyste. Il cite en guise d'exemple le cas de l'ex-président Nicolas Sarkozy, en campagne pour représenter la droite traditionnelle au prochain scrutin, qui est « passé maître dans l'art d'envoyer des appels codés » à l'extrême droite.

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