Le duel

2012 - Crise au PQ - leadership



C'est à un véritable duel que Pauline Marois a convié Gilles Duceppe hier. Si les partisans de l'ancien chef du Bloc québécois osent remettre son leadership en question au prochain conseil national du PQ, elle est toute disposée à en découdre.
Mme Marois n'est pas tombée de la dernière pluie. Son rival ne peut pas dire qu'il va «respecter son choix» de demeurer en poste et ajouter du même souffle qu'il est «disponible» si ses partisans réussissent à la renverser.
Entre ces deux-là, il ne peut y avoir aucun lien de confiance. Au printemps 2007, ils s'étaient entendus pour s'informer mutuellement de leurs intentions si André Boisclair démissionnait, mais M. Duceppe n'a pas respecté le pacte, voulant placer sa rivale devant un fait accompli. Mme Marois ne l'a pas oublié.
Elle n'avait certainement pas été dupe de sa lettre de novembre dernier, dans laquelle il l'assurait qu'il ne convoitait pas son poste et lui souhaitait bonne chance pour les prochaines élections. Elle est bien placée pour savoir qu'on ne renonce pas facilement à ses ambitions. Après sa tentative de succéder à René Lévesque en 1985, elle-même a dû patienter pendant 22 ans et s'y reprendre à trois reprises avant de devenir chef.
L'histoire pourrait bien se répéter. En 2007, M. Duceppe avait fait une volte-face humiliante faute d'appuis au sein du caucus péquiste, qui redoutait sa poigne de fer. Malgré toute l'inquiétude que peut susciter l'avenir du PQ, il ne semble toujours pas être le bienvenu.
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Après sa sortie fracassante de la fin de semaine dernière, il était savoureux d'entendre Bernard Drainville dire qu'il avait «absolument» confiance dans sa chef et inviter M. Duceppe à se rallier à elle pour faire l'unité au sein de la famille souverainiste. Son évocation de la disparition prochaine du PQ pouvait difficilement être interprétée comme un appui à sa chef, mais il n'y a rien comme un rival commun pour réchauffer une loyauté vacillante. S'il s'installe sur le trône, M. Duceppe risque d'y rester bien plus longtemps.
L'entrevue de M. Drainville au Devoir est un bel exemple de ce que M. Duceppe ne tolérerait pas. Si jamais il devient chef, les députés péquistes subiront un véritable choc culturel. Leurs chances de réélection s'amélioreront peut-être, mais à quel prix?
À en croire les sondages, M. Duceppe pourrait ramener le PQ au pouvoir, mais les impatients qui le croient plus empressé de tenir un référendum que Mme Marois risquent de déchanter. Quand elle avait exposé sa thèse de la «gouvernance souverainiste», basée sur la réclamation de nouveaux pouvoirs, il avait déclaré que c'était «la bonne stratégie» pour le camp souverainiste.
«Il importe qu'un gouvernement du Parti québécois fasse avancer le Québec, tout en sachant que notre option, c'est la souveraineté», avait-il expliqué. Autrement dit, en attendant «le moment jugé approprié», M. Duceppe donnerait lui aussi aux Québécois un «bon gouvernement» dans le cadre fédéral.
Que ferait-il de la «nouvelle loi 101» promise par le PQ? En matière de langue, l'ancien chef du Bloc n'est pas précisément un faucon. L'idée d'interdire l'accès au cégep anglais aux allophones et aux francophones ne lui sourit pas du tout. Pas plus d'ailleurs que la laïcité intégrale.
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Marc Laviolette s'est étiré le cou en déclarant qu'il allait soulever la question du leadership au conseil national, mais c'est un pensez-y-bien. Si les délégués se rangent massivement derrière Mme Marois, M. Duceppe devra désarmer.
M. Laviolette sait d'expérience que «la madame» ne craint pas la bagarre. Lors d'un conseil national mémorable tenu à Saint-Hyacinthe en mars 2008, Mme Marois avait tenu à débattre du référendum d'initiative populaire avec le président du SPQ libre et elle n'en avait fait qu'une bouchée.
Au bout du compte, les partisans de M. Duceppe arriveront peut-être à la conclusion que la guérilla est moins risquée qu'une bataille rangée. La proposition adoptée par l'association de Rosemont, qui a donné à son président le mandat de contester le leadership de Mme Marois seulement si la conjoncture lui paraît favorable, traduit plus d'hésitation que de résolution.
Puisque la chef péquiste ne semble pas davantage disposée à solliciter elle-même un vote de confiance pour crever l'abcès, l'affrontement pourrait bien être remis à plus tard. De toute manière, il y aura encore de nombreux sondages d'ici les élections et, s'ils continuent à être aussi mauvais, d'autres défections.
Si l'annonce des candidatures de Daniel Breton et de Réjean Hébert a été précipitée pour renflouer le leadership de Mme Marois, cela n'enlève rien à leur qualité. Certes, M. Breton a dû faire un petit acte de contrition pour les méchancetés qu'il a dites au sujet du PQ dans le passé, mais le simple fait que des gens veuillent encore y entrer, plutôt que d'en sortir, a quelque chose d'encourageant.
M. Hébert tentera de nouveau sa chance dans Saint-François, mais Mme Marois n'a pas voulu confirmer que M. Breton se présentera dans Rosemont. Si c'est le cas, on comprendra que l'intérêt de la chef péquiste pour une alliance avec Québec solidaire était simplement circonstanciel.


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