Après les scènes d’horreur, la banalité du mal. Depuis un mois, le procès des attentats du 13 novembre 2015 qui se poursuit à Paris nous avait habitués à des scènes déchirantes, sanglantes et parfois même insoutenables. Les 150 victimes assassinées froidement au Bataclan. Cette jeunesse abattue à bout portant au nom d’Allah. Ces corps empilés les uns sur les autres entre lesquels les rares survivants durent se faufiler pour se mettre à l’abri.
Depuis quelques jours, c’est le contraire. Avec les témoignages des accusés, ce procès-fleuve qui doit durer dix mois lève le rideau sur la médiocrité. La médiocrité de la vie de ces petits délinquants de banlieue qui un jour se métamorphosent en djihadistes et troquent le pistolet pour la kalachnikov.
« J’étais quelqu’un de calme, gentil. Voilà », dira candidement Salah Abdeslam à la barre au moment de raconter d’où il vient. Seul survivant des commandos du 13 novembre, il naît en Belgique dans une famille marocaine. Le père, qui conduit des tramways à Bruxelles, a tout ce qu’il faut pour subvenir aux besoins de sa famille et de ses cinq enfants. Salah décroche un diplôme d’électromécanique puis un emploi dans la société où travaille son père. « J’étais aimé par mes professeurs. J’étais un bon élève », poursuit-il.
Mais le monde est plein de bons élèves qui tournent mal et qui préfèrent la facilité. La facilité, ce sont les petits larcins avec les copains, l’alcool et le casino. Les habitants de Molenbeek, un quartier à majorité musulmane de Bruxelles, se souviennent du bar Les Béguines, qu’il a ouvert en compagnie de son frère Brahim pour couvrir un trafic de drogue.
Au détour d’une phrase, Salah laisse tomber que Brahim est son « frère préféré ». Une phrase en apparence innocente, mais qui dit l’essentiel. Contrairement à Salah, soupçonné d’avoir reculé au dernier moment, Brahim est ce « fier » kamikaze qui se fera exploser après avoir semé la terreur à la kalachnikov sur les terrasses des boulevards.
Même banalité de la petite criminalité lorsque son ami d’enfance Mohamed Abrini vient témoigner. Lui non plus ne vient pas d’un milieu particulièrement pauvre.
L’« homme au chapeau », qui a participé aux attentats de Paris et de l’aéroport de Bruxelles, est même philosophe à ses heures : « J’ai eu ma part de bonheur. Il m’arrivait de dépenser 4000 ou 5000 euros par jour. »
Ces témoignages, qui pourraient être ceux de n’importe quel petit voyou des banlieues islamisées de France, viennent détruire tous les récits chimériques selon lesquels le terrorisme islamique serait le fruit de la pauvreté et du racisme. À Molenbeek, on n’était peut-être pas riche, mais là n’était pas l’essentiel. Salah et Mohamed ont eu leur chance à l’école comme n’importe quel enfant belge. Nulle part dans ces témoignages il ne sera question de racisme ou de discrimination.
Ce qui est évident par contre, dès le début, c’est la détestation de l’Occident, de ses mœurs et de son mode de vie. Comme si la petite criminalité endémique et le terrorisme étaient portés par cette même haine d’une civilisation que les résidents du secteur rejettent en bloc. C’est sur elle qu’ont fleuri ces vocations terroristes.
Il faut avoir visité Molenbeek, sa grande place et ses petites rues grises où Abdeslam et Abrini ont grandi pour comprendre que cette commune de Bruxelles n’est que l’exemple extrême d’un communautarisme parfaitement assumé. Des boucheries halal aux quelque 19 mosquées, des associations sportives infiltrées par l’islamisme au parti Islam, qui ne propose rien de moins que de transformer la Belgique en république islamique, les musulmans de Molenbeek peuvent vivre ici comme au bled. Seuls les nuages bas leur rappellent qu’ils sont en Belgique.
C’est Mohamed Abrini lui-même qui le dit. « Vous n’imaginez pas l’ambiance dans les quartiers, toutes les maisons ont des paraboles branchées en permanence sur la guerre lointaine. On ne voit que cela en permanence, la guerre, on baigne là-dedans tout le temps. » Rien d’étonnant que 74 % des musulmans de moins de 25 ans déclarent mettre l’islam au-dessus des lois de la République (sondage Ifop publié le 2 septembre pour Charlie Hebdo et la Fondation Jean-Jaurès).
Un témoignage anecdotique recueilli la semaine dernière à Alençon illustre ce lien entre communautarisme et criminalité. Un jeune de 14 ans de la banlieue de Perseigne, à Alençon, expliquait qu’entre les policiers et la bande de jeunes cagoulés qui leur avait tendu un guet-apens la veille, il choisissait sans hésiter de protéger ceux qu’il appelle les « siens ». « Pas parce qu’on en a peur [des policiers], précisait-il, mais parce qu’on est une famille dans le quartier. » Une « famille » qui protège même ses délinquants, cela s’appelle une mafia !
Comment alors s’étonner que, selon un récent sondage mené par Harris Interactive, 61 % des Français se disent convaincus que l’immigration prend la forme d’un « grand remplacement » ? Le jour où ces ghettos auront été démantelés et où les jeunes d’Alençon n’auront plus peur de dénoncer les caïds du quartier à la police, le terreau du terrorisme aura été neutralisé. Les djihadistes ne seront plus alors que des bêtes aux abois.