Ça vaut la peine de suivre de près la campagne présidentielle française. D'abord parce qu'elle est fascinante, pleine de rebondissements et de suspense, avec des candidats hautement médiatiques, à droite Nicolas Sarkozy et à gauche Ségolène Royal.
Mais surtout parce qu'elle est pleine de leçons pour le Québec. La France va mal, et ces présidentielles mettent en relief l'impasse dans laquelle se trouve ce pays. Les similitudes entre la situation française et la nôtre sont assez nombreuses pour que ces élections servent de révélateur et nous encouragent à ne pas suivre la même voie.
Les Français iront aux urnes dimanche pour le premier tour des présidentielles, dans un système où les deux candidats, sur 12, qui recueilleront le plus de voix s'affronteront dans un deuxième tour deux semaines plus tard. Et leur choix ne sera pas facile.
La toile de fond, c'est un pays qui ne se porte pas bien, dont les problèmes économiques sont assez profonds pour engendrer des problèmes sociaux. Un déficit public énorme, une perte de compétitivité qui se traduit entre autres par des fermetures d'entreprises, des délocalisations, et l'élargissement du déficit commercial. Et surtout, un chômage qui ne baisse pas assez vite, notamment chez les jeunes où il est encore à 22%. Un contraste frappant avec l'Allemagne, elle aussi mal en point il y a deux ans, mais qui connaît depuis un convaincant revirement.
Il est assez évident que si la France veut se remettre sur pied, comme l'ont réussi tous ses voisins, elle devra changer quelque chose. Et ce que révèle cette campagne, c'est la résistance à cette idée de changement, l'attachement aux acquis et aux privilèges, l'allergie aux réformes. Le blocage est d'autant plus grand que les Français se sentent prisonniers d'une tradition politique figée, encore dominée par le clivage entre une droite classique trop musclée et une gauche classique trop dogmatique.
D'un côté, le candidat de la droite, de l'UMP, Nicolas Sarkozy, jusqu'à tout récemment ministre de l'Intérieur, le meneur avec 28% de intentions de vote. C'est le seul qui propose des réformes profondes, qui a même parlé de rupture, qui ose aussi faire des allusions aux succès du Royaume-Uni. C'est très clairement le seul qui pourrait faire bouger le pays et le sortir de son impasse. Mais il est parfois excessif dans ses comportements, trop insensible sur des questions comme la pauvreté ou la criminalité. Une droite dure qui fait peur à bien des électeurs.
De l'autre côté, la candidate socialiste, Ségolène Royal, très populaire, qui a triomphé de l'establishment de son propre parti. Mais l'étoile montante ressemble de plus en plus à une étoile filante. Avec environ 25% des voix, elle ne peut espérer rattraper son adversaire de droite. Terre à terre sur les problèmes de tous les jours, elle s'est montrée faible et mal informée sur les grands dossiers, comme les questions internationales ou l'économie, où elle se rabat sur les vieilles recettes du socialisme classique. Notamment, en fin de campagne, quand elle s'est empêtrée avec un programme mal ficelé de création d'emplois pour les jeunes qui se résume à faire payer par l'État un an de salaire pour des centaines de milliers de jeunes.
L'incapacité des deux principaux candidats à s'imposer de façon convaincante a eu un double effet. D'une part, le foisonnement de candidats marginaux, entre autres un communiste et trois trotskystes! Et le succès relatif de l'extrême droite de Jean-Marie Le Pen, toujours à 14%.
Mais surtout, le succès d'un candidat centriste, François Bayrou, issu de la droite modérée de l'UDF, que personne n'a vu venir et qui se retrouve en troisième place avec près de 20% des voix. C'est le candidat du compromis, refuge pour ceux qui sont incapables de voter pour M. Sarkozy ou Mme Royal. Mario Dumont, au Québec, offrait aussi ce refuge, mais il proposait un projet alternatif. Pas Bayrou, qui incarne un centre mou, sans programme et sans promesses, sauf celle de préserver le confortable statu quo. Mais il pourrait devenir président, s'il réussit à devancer Ségolène Royal et donc passer au second tour, qu'il pourrait remporter en récupérant le vote de gauche.
Et si le débat politique est si laborieux, c'est essentiellement parce que les Français n'ont toujours pas accepté une idée qui a fait son chemin partout ailleurs, en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Canada ou au Québec, et c'est que les valeurs de solidarité ne sont pas incompatibles avec une logique économique de croissance. Et tant que les Français n'accepteront pas de revoir leur modèle, avec son attachement à l'État et sa méfiance viscérale du marché, ils continueront à tourner en rond.
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