Les audiences du BAPE concernant l’uranium débuteront demain. Commandées par l’ancien gouvernement du PQ, elles visent à guider Québec qui n’a pas encore autorisé l’entreprise Strateco à lancer l’exploration avancée de ce qui pourrait devenir la première mine d’uranium en sol québécois dans le cadre du projet Matoush. La compagnie dit avoir effectué des explorations sommaires très prometteuses. Strateco est campée depuis 2006 dans les monts Otish, en territoire autochtone, au nord de Chibougamau. Strateco s’impatiente et dit avoir déjà investi 125 M$. Mais les opposants, dont la nation crie, craignent les risques. En plus de fermer sa seule centrale nucléaire, Québec a gelé toute autorisation pour l’uranium, un métal lourd radioactif. L’avenir de son exploitation dans la province pourrait ainsi se trancher durant les prochains mois dans le cadre des audiences du BAPE.
« NOUS NE SOMMES PAS UN DÉPOTOIR »
Le Grand chef de la nation crie, Matthew Coon Come, juge inacceptable «de prendre un tel risque pour les générations futures». Selon lui, rien n’a permis de prouver l’absence de risque.
L’Institut national de la santé publique a récemment déposé un rapport qui fait mention du manque de connaissance de l’impact de l’uranium sur la santé.
Le Grand chef cible l’entreposage des résidus miniers. «Ce sont des sols qui vont être radioactifs et dangereux pour des centaines de milliers d’années […] Nous ne sommes pas un dépotoir.»
Strateco explique que l’évolution des règles pour les rejets miniers élimine les risques et que les résidus enfouis hermétiquement ne seront pas plus dangereux que d’autres sols. Les opposants n’en sont pas certains. Le «trou» hermétique sera de 40 000 mètres carrés et 20 mètres de profondeur, selon Strateco.
Les risques de l’uranium
«Le passé a démontré que les Cris ne sont pas contre le développement. Mais l’uranium est un cas à part. Les risques que comportent les résidus, c’est inquiétant. Nous n’acceptons pas d’assumer ce risque pour l’avenir de la communauté», poursuit le Grand chef.
«Nous n’avons jamais été des spectateurs. Nous n’avons jamais accepté que notre sort soit décidé sans que l’on soit impliqué.» Il juge que Strateco s’est interposée comme si sa nation n’avait aucun droit. L’entreprise est en désaccord et souligne que le ton des Cris a changé après des changements de chef en 2010.
Richard Shecapio, chef cri du territoire de Mistissini, sur lequel se retrouve le projet, juge que l’entreprise n’a pas été en mesure de fournir assez de réponses sur les risques dont sur la contamination des eaux. «Ce type de développement n’est pas le bienvenu sur notre territoire», explique-t-il.
UNE SAGA QUI « NUIT » AU QUÉBEC
Le président de Strateco, Guy Hébert, juge que les opposants au projet ont alimenté la «désinformation» et que la réputation du Québec au plan minier est affectée.
«C’est frustrant pour les actionnaires qui viennent de partout dans le monde. On a investi beaucoup. C’est connu, la façon dont on est traité. Le gouvernement québécois nous a donné plusieurs permis (avant d’interrompre tout développement d’uranium), déplore-t-il. Ça nuit à la crédibilité du Québec.»
Les opposants martèlent le manque de connaissances scientifiques sur les risques liés à l’exploitation. Ils rappellent que la Nouvelle-Écosse, la Virginie et la Colombie-Britannique imposent des moratoires pour tout développement de la filière uranifère.
Rien d’alarmant
Le président réplique que des rapports démontrent qu’avec l’encadrement actuel, une mine d’uranium «n’est pas pire qu’un autre type de mine». Il suggère aux opposants de se rendre en Saskatchewan ou à Elliot Lake, l’ancienne capitale canadienne de l’uranium, où il n’y a rien de catastrophique, explique-t-il.
Les «anti», qualifie-t-il pour parler des environnementalistes qui s’opposent au projet, «sont contre n’importe quel type de projet», peste-t-il.
Une étude déposée au ministère du Développement durable démontre que les dommages peuvent être prévenus. «Mais ça ne fait pas leur affaire. Il n’y aura jamais assez d’information pour eux. C’est leur business de faire ça», ajoute-t-il.
Selon lui, un BAPE est inutile dans le contexte actuel. «La Commission canadienne de sûreté nucléaire a fait des études durant des années et a décidé de nous donner notre licence, car elle considérait nos réponses comme suffisantes.» Le président tentera d’obtenir, des actionnaires, un nouveau financement de 1,5 M$ à la fin mai. «Attendre une autre année serait un désastre. Là, on n’a plus d’argent.»
«Nous sommes sur le point de baisser les bras. Si le Québec n’en veut pas, qu’on change la loi et qu’on nous rembourse les 125 M$ qu’on a payés.»
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