Le «cynisme» de Wal-Mart et McDo déchaîne les critiques

À l’approche des Fêtes, les géants américains semblent chercher à pallier les bas revenus de leurs employés… sans augmenter leur salaire

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Les excès du capitalisme sont en train de l'achever


Un magasin Walmart de l’Ohio qui lance un appel à l’entraide pour améliorer le Thanksgiving Day d’« associés » sous-payés. McDonald’s qui conseille à ses employés de vendre en ligne leurs cadeaux de Noël pour accroître leurs revenus. Cela pourrait avoir des apparences d’altruisme, mais… non. Ces démarches sont plutôt perçues comme des « aberrations » et des « artifices » visant à détourner les regards des failles du système de partage et de répartition des richesses.

« Ces propositions ne sont pas étonnantes, mais elles n’en demeurent pas moins insultantes, résume Simon Tremblay-Pepin, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économique (IRIS). C’est l’ultime désengagement d’un employeur qui, par un geste d’un cynisme évident, vient mettre en lumière le phénomène des salariés pauvres [working poors, comme on dit aux États-Unis] », ces travailleurs qui démontrent malgré eux qu’en 2013 avoir un emploi n’est désormais plus une garantie de ne pas se retrouver à la rue.

Le paradoxe explique le volume du bruit. Depuis quelques jours, une photographie prise dans le Walmart de Canton, en Ohio, soulève l’indignation dans les univers numériques où elle circule. Elle montre un panier sur lequel un écriteau invite les employés à faire des dons en nourriture pour leurs collègues « dans le besoin » en prévision de ThanksgivingDay célébré le 28 novembre. Le salaire moyen dans les magasins Walmart aux États-Unis serait de 25 000 $ par année, selon les chiffres de l’entreprise — 15 000 $, à en croire les groupes militants pour la syndicalisation des employés de cet empire.

Un porte-parole de la multinationale, Kory Lundberg, a souligné que cette entraide entre « associés » en « période d’extrême difficulté » faisait partie de la « culture d’entreprise ».

Argent rapide

Mardi, McDo s’est également attiré les foudres de plusieurs observateurs dans les réseaux sociaux numériques en diffusant sur un site interne destiné à ses employés à travers le monde — l’endroit est nommé McRessource Line — quelques conseils pour survivre à l’endettement pendant le temps des Fêtes. L’un d’eux se résumait ainsi : « Vendre des cadeaux reçus que vous ne désirez pas sur eBay ou Craiglist peut vous permettre d’obtenir de l’argent rapidement. » Aux États-Unis, les employés du clown marchand de burgers sont parmi les moins bien payés, avec un salaire horaire moyen de 7,75 $, soit 50 ¢ de plus que le revenu minimum fixé par le fédéral.

« On assiste à un détournement du concept d’entraide, résume Yvan Comeau, responsable de la Chaire de recherche sur la culture philanthropique de l’Université Laval. L’intention est d’améliorer les conditions de vie d’employés, mais pour cela, les entreprises disposent d’un mécanisme qui s’appelle le salaire et dont on ne parle pas ici. » Une absence d’autant plus remarquée chez des multinationales qui ont déclaré l’an dernier des profits nets de 17 milliards de dollars pour Wal-Mart et de 5,5 milliards pour McDonald’s.


Insulter en aidant


« Nous sommes dans un contexte économique favorable à ce genre de pratiques », résume M. Tremblay-Pepin en évoquant la crise économique qui continue de frapper les États-Unis. « Devant le manque d’emploi, les compagnies ne sentent plus l’obligation d’augmenter le salaire de leurs employés et préfèrent même formaliser la mendicité en organisant des systèmes de quête dégradants qui confirment finalement leur vraie nature : elles ne sont pas là pour vendre des produits ou offrir des services, elles sont là pour faire de l’argent, un point c’est tout. »

Aux États-Unis, 60 % des ménages à faible revenu disposent d’un emploi. C’est plus qu’au Québec, où 11 % des gens qui ont fréquenté les banques alimentaires en 2012 étaient des salariés. « Les inégalités existent aussi ici, dit le chercheur de l’IRIS, mais elles sont moins criantes qu’aux États-Unis, où l’encadrement législatif du marché est plus léger. Ici, les lois du travail protègent mieux les salariés », autant contre des salaires trop bas que contre la « froideur et le cynisme difficile à qualifier » qu’inspirent ces deux cas, ajoute-t-il.


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