Au cours des derniers jours, les généraux égyptiens ont posé une série de gestes dont l’addition ne peut pas être qualifiée autrement qu’ainsi : un coup d’État. Un coup sans effusion de sang, certes, mais un coup réel, observable. Dit autrement, Le Caire vient d’être la scène où s’est joué « Retour vers le futur ».
À l’avant-veille du second tour de l’élection présidentielle, la Cour suprême égyptienne a commandé, sans qu’on s’y attende et pour des raisons qui demeurent nébuleuses, la dissolution du Parlement. Caractéristique de ce dernier ? Il était dominé par les députés du Parti Justice et liberté (PJL), filiale des Frères musulmans. Dans les heures qui ont suivi ce coup d’éclat, c’est le cas de le dire, les gradés se sont empressés de protéger ce qui constitue leur pré carré depuis le renversement de la monarchie par Gamal Nasser au début des années 50.
C’est bien simple, ils se sont appliqués à renforcer le territoire de leurs intérêts en composant un rajout, un addenda, à la Constitution amputant certains des pouvoirs dévolus à la présidence. La plus spectaculaire de ces soustractions est l’interdiction faite au président de s’immiscer dans les affaires de défense. Plus précisément, l’armée n’est plus subordonnée au pouvoir du président. Quoi d’autre ? L’état-major a réclamé tous les pouvoirs législatifs.
Avant cet essorage politique, le conseil militaire avait au fond annoncé son inclination pour la concentration des pouvoirs. En effet, lui qui gouverne l’Égypte depuis la chute d’Hosni Moubarak il y a dix-huit mois avait réimposé la loi martiale, qui avait expiré deux semaines auparavant seulement. Et ce, pour réduire les sursauts politiques de ses adversaires à trois fois rien et pour signifier à tout un chacun qu’il n’était pas question de toucher aux activités économiques, qui sont si imposantes qu’elles font de l’armée un État dans l’État.
On se souviendra qu’à la faveur du semblant de libération décrétée au début des années 90 par Moubarak, les militaires ont mis la main sur un nombre très diversifié d’affaires rapportant gros. Depuis lors, on le devine, leur appétit pour les espèces sonnantes a passablement augmenté. En fait, cet appétit est si profond, si ample, qu’il n’est absolument pas question, pour eux évidemment, d’abandonner ou de partager la propriété de telle compagnie aérienne ou de telle chaîne hôtelière.
À preuve, la volonté manifestée par l’armée ces derniers jours s’est conjuguée avec une telle force qu’elle a tétanisé, pour ainsi dire, les Frères musulmans, qui étaient et demeurent la force politique la mieux organisée du pays. Toujours est-il qu’aucune marche n’a été organisée en direction de la place Tahrir.
À cet égard, il faut dire et souligner que les militaires d’un côté et les « messieurs muscles » des Frères musulmans de l’autre se sont attachés avec une méticulosité empruntant à la barbarie à étouffer tout fait démocratique. Mais encore ? Une foule de témoignages, rappelle Sylvie Kaufmann dans Le Monde, « ont confirmé un recours systématique à l’arme de l’agression sexuelle contre les femmes en Égypte lorsqu’elles se joignent à des mouvements massifs de contestation de rue ». Lorsque des personnes sont descendues dans les rues, il y a une quinzaine de cela, pour manifester contre le déroulement de la campagne présidentielle, le « fléau », pour reprendre le terme employé par Kaufmann, a repris de plus belle. Résultat ? Une cinquantaine de femmes ont protesté comparativement à plus de 10 000 l’hiver dernier.
Aujourd’hui, il semble de plus en plus évident que le destin du pays va osciller entre la dictature militaire ou sa transformation, le Coran n’étant pas soluble dans la démocratie, en une autre Arabie saoudite.
Élections en Égypte
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