C'est cette semaine que Jean-François Lisée, le père du fameux projet de loi sur la citoyenneté, lance son dernier essai politique au titre explosif: Nous.
Dans cet ouvrage d'une centaine de pages, Lisée se penche sur les sujets chauds de l'heure: les accommodements, l'immigration, la situation linguistique - bref, les rapports parfois tendus (mais ô combien intéressants!) entre la majorité québécoise et les minorités. On s'est beaucoup intéressé aux minorités au cours des dernières années, dit Lisée. Le temps est venu de s'intéresser à «Nous».
L'heure du «nous»
Qu'est-ce que le «Nous», selon Lisée? Simple: la majorité francophone de tradition chrétienne.
Enlevez la communauté anglophone, et la nation québécoise va continuer d'exister. Enlevez la communauté juive, et la nation québécoise va continuer d'exister. Enlevez la communauté grecque, et la nation québécoise va continuer d'exister.
Mais enlevez la majorité francophone de tradition chrétienne, et il n'y aura plus de nation québécoise en tant que telle. La majorité francophone de tradition chrétienne est au coeur, au centre de la nation québécoise.
Et il est temps qu'on s'en occupe, dit Lisée, car elle commence à ressentir un certain malaise. Pour ne pas dire un malaise certain.
Prenez numéro
En lisant l'ouvrage de Lisée, une image m'est venue en tête. Celle d'un comptoir des plaintes. Un gros comptoir des plaintes, avec des commis qui portent des chemises à manches courtes et une salle d'attente grise.
Depuis vingt ans (depuis le dernier référendum, en fait, où Jacques Parizeau a fait freaker tout le monde avec son discours tristement célèbre), toutes les minorités possibles et impossibles se sont pointées devant ce comptoir pour présenter leur liste de doléances et demander qu'on s'occupe d'elles.
Les minorités linguistiques. Les minorités culturelles. Les minorités religieuses. Les minorités immigrantes. Les minorités allophones. Elles se sont toutes pointées avec leurs demandes, leurs craintes, leurs inquiétudes.
La majorité francophone de tradition chrétienne s'est aussi présentée au comptoir des plaintes pour se faire entendre, mais elle est arrivée très tard. Elle avait le numéro 22693. Et l'on en était au numéro 10.
Alors elle s'est assise dans un coin, et elle a attendu patiemment qu'on l'appelle en lisant un vieux Reader's Digest.
Au printemps dernier, la majorité francophone de tradition chrétienne a finalement été appelée au comptoir des plaintes. «Que voulez-vous?», lui a demandé le commis, fatigué. «Je veux que vous vous occupiez de moi», a répondu la majorité. «Qu'est-ce que vous avez?»
«Ah, j'sais pas, ça va mal depuis quelque temps. J'ai l'impression que personne ne s'intéresse à moi. On ne me parle pas, on fait comme si j'étais pas là, quand j'ouvre la bouche pour dire mon opinion, personne ne m'écoute. J'sais plus qui je suis ni où je vais...»
Le commis est allé consulter ses confrères pendant quelques minutes, puis est revenu voir la majorité.
«Je pense que vous avez besoin de parler, lui a-t-il dit. Que diriez-vous si on vous prêtait un micro et qu'on vous donnait la chance de vous exprimer?»
C'est ainsi qu'est née la commission Bouchard-Taylor. Depuis le début de l'automne, le «Nous» parle. Et tout le monde l'écoute. Elle ne parle pas toujours intelligemment, la majorité. Mais au moins, elle parle. C'est un début.
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