L’article « Ces lobbies qui envahissent nos institutions publiques » écrit par Pauline Gravel, et paru dans Le Devoir en mars dernier, met en lumière le travail de la journaliste Stéphane Horel. Celle-ci au travers de son livre : Lobbytomie. Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie nous décrit l’influence des lobbies corporatifs sur nos démocraties.
Mais, il n’y a pas que les lobbies corporatifs qui minent notre démocratie. Il existe aussi de nombreux groupes sociaux ou religieux qui ont des moyens organisationnels et financiers suffisants pour influencer les médias et ceux qui nous gouvernent. En fait, le modèle développé par les corporations a été repris par ce que nous appelons des groupes de pression.
Qu’il soit de droite ou gauche, ce type de lobbyisme jumelé à un élitisme persuadé de posséder la vérité contribue à bloquer les débats démocratiques. Il banalise les points de vue majoritaires en les qualifiants, entre autres, de populistes. Convaincues d’une certaine supériorité morale, ces élites se donnent souvent pour mission d’éduquer la populace. Quelquefois, elles le font avec des arguments, mais souvent elles utiliseront le bâton financier, médiatique ou social.
Le projet de loi 21 constitue un exemple parfait pour illustrer cette confrontation entre le système démocratique et un système lobbycratique de plus en plus envahissant.
Nous avons ici un projet de loi proposé par un gouvernement majoritaire. Ce projet de loi était clairement énoncé dans leur plateforme électorale. De plus, des résultats de sondages faits par des firmes sérieuses montrent qu’il est appuyé par une large majorité de la population.
Dans un système démocratique normal, on devrait donc s’attendre à ce que ce projet de loi passe assez facilement.
Pourtant, les médias qualifient ce projet de loi de controversé. La plupart des chroniqueurs et des éditorialistes du Québec s’y opposent ou trouvent qu’il va trop loin. Sans compter que plusieurs médias du ROC n’hésitent pas à qualifier ce projet de loi et tous ceux qui le soutiennent de racistes.
Alors que, selon plusieurs sondages, près de 70 % des Québécois appuient le projet de loi, il semble que leurs voix ne trouvent pas d’écho chez plusieurs de leurs représentants. Pensons au conseil municipal de Montréal qui s’est opposé unanimement au projet, ou encore à plusieurs syndicats ou organisations qui témoignent contre le projet de loi en commission parlementaire. Est-ce que ces organisations ont consulté ceux qu’elles doivent représenter ou est-ce qu’elles se sont contentées de prendre l’avis d’une poignée de délégués orientés politiquement ? Et que penser des représentants autoproclamés des groupes religieux. Est-ce qu’ils représentent vraiment l’avis de la majorité des croyants ?
Malaise démocratique
Le débat sur ce projet de loi met en lumière un sérieux malaise démocratique. Sommes-nous face à des gens qui agissent comme des représentants de leurs commettants ou sommes-nous plutôt face à des dirigeants soumis à des lobbies et qui tentent de nous imposer une dictature bienveillante ?
Il est fort probable qu’en France, le phénomène des gilets jaunes soit aussi le symptôme d’une population incapable de se faire entendre démocratiquement et fatiguée de se faire exploiter par des élites bienveillantes.
Actuellement, la lobbycratie s’oppose à la démocratie et il semble que chaque victoire qu’elle remporte contribue à renforcer le populisme. Car si l’on peut forcer le silence de la majorité un certain temps, on ne peut le faire éternellement. Et n’en déplaise à plusieurs, on n’éduque pas les gens à coups de bâton. En fait, si ce projet de loi est aboli ou s’il subit des modifications qui diluent son contenu, il faudra se poser de sérieuses questions sur le fonctionnement de notre démocratie et sur la pertinence d’aller voter. Qu’est-ce qui est le plus efficace ? Aller voter ou choisir de financer un groupe de pression qui défendra nos intérêts ?
Respecter le choix de la majorité, ce n’est pas tyranniser les minorités, mais simplement respecter le système politique dans lequel nous avons choisi de vivre. Il n’est pas parfait, mais les autres options sont beaucoup moins intéressantes.
Bref, s’il vous venait à l’esprit de chercher un motif supérieur pour accepter ce projet de loi, le respect de la démocratie devrait être en haut de votre liste.