Nous discuterons de laïcité, tenez-vous-le pour dit!
Au diable le mépris des fondamentalistes du multiculturalisme. Ce groupuscule n’acceptera jamais que les Québécois débattent de laïcité. Cessons de perdre notre temps avec eux.
Aussi, les Québécois doivent comprendre que les mêmes voix au sein de notre écosystème média qui ont relayé les injonctions de ces fondamentalistes du multiculturalisme canadien seront encore sur le pied de guerre pour nuire le plus possible à la CAQ et à la majorité de la population québécoise, favorable à la laïcité.
Pour eux, il en va de la défense du socle sur lequel le Canada post-national se construit, il en va de combattre tout geste de rupture du Québec envers ce multiculturalisme. Jusqu’à maintenant, ils ont pris Montréal...
Ne pas répéter les erreurs du passé
François Legault a le vent dans les voiles, la majorité des Québécois le suivra dans sa velléité de régler une fois pour toutes la question de la laïcité. Pourquoi alors répéter les erreurs du passé?
Il est absolument essentiel que toute discussion sur la laïcité se fasse en tenant compte des leçons à tirer en cette matière. D’une part, le refus de légiférer par le gouvernement libéral de Charest-Couillard a été un facteur d’aggravation constante de la situation. La CAQ avait annoncé dès le début de la campagne électorale son intention de légiférer en la matière, personne ne pourra lui reprocher de le faire maintenant.
D’autre part, il faut apprendre des irritants connus de la Charte des valeurs du Parti québécois. Certains sont tout à fait légitimes et méritent que nous nous y attardions, collectivement. Toutefois, on a été beaucoup plus sévère envers le PQ, parti indépendantiste, à qui les fondamentalistes du multiculturalisme ont livré une bataille féroce, voire même sale et déloyale, à certains égards.
François Legault pourrait s’en tirer un peu mieux, lui que l’on ne pourra accuser de vouloir «déchirer le pays». En ça, il risque d’avoir un peu plus de lest. On verra.
La question du crucifix
D’abord, pensons au crucifix à l’Assemblée nationale. N’est-il pas ironique, voire contradictoire, que les parlementaires d’une société qui accouche enfin d’une législation qui consacre son caractère laïc siègent au seuil d’un symbole religieux aussi puissant que le crucifix?
Personne ne conteste le caractère patrimonial, historique, du crucifix de 1936; l’auteure et historienne Lucia Ferretti a même publié un réquisitoire intéressant pour qu’on le maintienne en place (notamment sur la symbolique transœcuménique et multireligieuse du crucifix), mais le déplacer serait un geste qui marquerait le point de départ d’un nouveau jalon de la société québécoise moderne. Celui de l’accomplissement de sa décléricalisation jusque dans le socle de son Assemblée populaire, là où siègent ses représentants.
La laïcité institutionnelle ne saurait faire d’exception en ces lieux aussi symboliques que l’Assemblée nationale, même au nom du patrimoine. Il existe nombre d’endroits qui accueilleront avec dignité et respect cet élément important de notre histoire.
Accomplir la laïcité c’est aller jusqu’au bout...
La laïcité institutionnelle ne doit pas s’arrêter aux portes de nos écoles. Je pense ici, particulièrement, aux écoles confessionnelles. La religion n’a tout simplement pas sa place dans un système scolaire laïc; et ce (ma préférence ici) du CPE jusqu’à l’université. Laïc d’un bout à l’autre.
Le chroniqueur Hassan Serraji a publié dans le journal Métro un texte qui recense le nombre d’écoles confessionnelles et les subventions qui leur sont attribuées (étude datant de 2015 dont la portée est de 2010 à 2012). C’est un début afin de comprendre par où commencer.
«[...] il existe 84 écoles religieuses privées financées par l’État: 52 chrétiennes, 24 juives et 8 musulmanes.
Ainsi, les Subventions de l’État aux écoles privées religieuses au Québec atteignent 106 416 991 $. Les écoles chrétiennes décrochent le gros de cette enveloppe. Elles reçoivent 76 843 554$ , soit 77% des subventions. Les écoles juives les talonnent. Elles reçoivent 20 639 071 $, soit 21% des subventions. Les écoles musulmanes, quant à elles, reçoivent 2 359 138 $, soit à peine 2% du total du financement public des écoles confessionnelles.»
Pourquoi ne pas financer les écoles confessionnelles? Je ne saurais mieux l’expliquer que le chroniqueur-philosophe Normand Baillargeon :
«La première raison pour laquelle on ne devrait pas financer ces écoles est qu’elles ont l’obligation, comme toute personne ou institution, de respecter la loi selon laquelle notre système scolaire est non confessionnel. Dès lors qu’elles ne le font pas, cette raison, à elle seule, devrait être décisive.
Si cela ne suffit pas — mais comment cela pourrait-il ne pas suffire? — il faut ajouter l’obligation, pour les institutions d’enseignement, d’appliquer le programme : or, certaines de ces écoles ne l’appliquent pas, ne serait-ce qu’en ne dispensant pas le cours Éthique et culture religieuse.
De plus, nos écoles étant laïques, ont le souci de ne pas endoctriner les enfants, ce que font manifestement nombre de ces écoles, et de leur offrir un avenir ouvert, notamment en les mettant en contact avec des croyances, positions, valeurs, autres que celle de leur milieu familial et de pouvoir, par là, construire un lien politique les unissant aux autres membres de leur société.
Enfin, financer ces écoles, c’est, une fois de plus, accorder aux religions un traitement préférentiel qu’on n’accorderait pas s’il était demandé pour un autre motif. Et le financement public des écoles confessionnelles n’est pas le seul traitement préférentiel injustement accordé aux religions».
Fin de tout traitement préférentiel envers les religions
Dans le texte que je cite ici de Baillargeon, on pointe vers un article de Francis Vailles, l’économiste, qui recense quelques-unes de ces mesures préférentielles :
«[...] des «exemptions d’impôts aux bâtiments religieux, crédits d’impôt sur les dons aux organismes religieux, exemptions de douanes sur certains produits religieux, déductions d’impôts sur le logement des religieux, etc. [...] mesures qui en couteraient plus de 100 millions de dollars par année pour le gouvernement du Québec et les municipalités».
Une société laïque ne doit tout simplement plus offrir de traitement préférentiel aux religions.
Ce type de débat doit se faire. Et le nouveau gouvernement caquiste devrait se garder de tirer des conclusions trop vite ou de dicter certains interdits quant à la manière dont s’articulera la laïcité au Québec.
Et que François Legault attache bien solidement sa tuque de premier ministre. Il se fera brasser sur ce dossier. C’est déjà commencé d’ailleurs. Fort de sa majorité parlementaire et de la promesse qu’il a faite pendant la campagne électorale de légiférer rapidement sur la laïcité, il a toute la légitimité pour le faire. Surtout, il lui faudra rappeler sans cesse qu'il n'y a absolument RIEN de raciste dans le fait de débattre de la laïcité.
Et ceux qui en appellent à sa résignation avant même qu’il n’ait été assermenté montrent à quel point ils méprisent le choix des électeurs québécois. On devrait le leur rappeler, à eux et à ceux qui se font les porte-voix de leurs positions extrémistes.