On entend souvent que les électeurs en ont assez du « pareil au même ». Les grands changements passent pourtant rarement par les bureaux de vote. Il demeure que d’une élection à l’autre, un peu partout, les partis politiques qui ont dominé depuis la Seconde Guerre mondiale reculent.
Embourbés dans nos propres élections, pas étonnant que nous n’ayons pas relevé les résultats d’un autre scrutin, en Suède celui-là, un pays auquel nous aimons bien nous comparer. L’État là-bas, comme chez nous, est omniprésent et on y paie, comme chez nous toujours, une quantité pharaonique d’impôts.
Les Suédois choisissent toutefois leurs élus à la proportionnelle, loin de notre système majoritaire uninominal où un candidat peut sortir gagnant même si la majorité des voix sont allées à ses concurrents. On en est encore là-bas à digérer les 17,6 % de voix récoltées par les Démocrates de Suède, le parti d’extrême droite.
Les optimistes ont poussé un soupir de soulagement, les analystes et sondeurs leur ayant donné jusqu’à 25 % du vote. Leur score les place tout de même en troisième place, derrière les deux grands partis de centre droit et de centre gauche qui se partagent la gestion du pays depuis 70 ans.
L’ESTABLISHMENT BAT EN RETRAITE
L’électorat suédois ressemble à tous ces Européens qui, depuis quelques années, délaissent les grands partis traditionnels. La France a marqué le coup l’année dernière en portant au pouvoir « La République en marche » d’Emmanuel Macron, alors que la droite classique se repliait de 13 % et que les socialistes prenaient une débarque, cédant 22 % sur leurs résultats de 2012.
Les Italiens sont allés plus loin encore. Il y a déjà un moment que la bonne vieille Démocratie chrétienne, qui a géré les affaires du pays pendant des décennies, a disparu du décor. Même le centre droit et le centre gauche ont été dépassés par d’autres forces, la droite dure de « La Ligue » d’un côté, le populisme du « Mouvement 5 Étoiles » de l’autre.
L’Allemagne traverse une tempête comparable. La coalition conservatrice d’Angela Merkel a dégringolé de plus de 8 % l’année dernière, pendant que le légendaire Parti social-démocrate poursuivait son affaissement, n’amassant que 20 % des voix. L’extrême droite en a profité pour presque doubler son score, et il se lève maintenant, à l’extrême gauche, une formation – Aufstehen – ouvertement pro-travailleurs et anti-immigrants.
LES FORCES DU DÉSENNUI
Ces observations, on pourrait les faire un peu partout ailleurs en Europe, que l’on pense à Podemos en Espagne, Syriza en Grèce ou à la coalition droite/extrême-droite au pouvoir en Autriche. Les réflexes électoraux – notamment chez les jeunes et les syndiqués – sont devenus déroutants. Un sondage à la sortie des bureaux de vote de la SVT, la télé publique suédoise, indique que 41 % des électeurs ont voté, à ce scrutin-ci, pour un autre parti que celui qu’ils avaient choisi il y a quatre ans.
Différentes hypothèses s’entremêlent pour expliquer cette évolution : les effets perturbants de la mondialisation, de l’automation, ainsi que l’impact de la forte poussée migratoire des dernières années. Personne, pour l’instant, n’en voit la fin.
Il y a bien quelques forteresses dans ce brouhaha électoral : les États-Unis s’en tiennent toujours à deux partis politiques, bien que les républicains sous Donald Trump ressemblent peu à ce qu’ils ont longtemps été. Les Canadiens, au fédéral, se limitent à trois partis ; les Québécois ont, cette fois-ci, à trancher entre quatre.
Nous pourrions bien, en fait, nous inscrire dans cette mouvance qui chambarde la politique européenne. Les courants populistes ou extrémistes ne résonnent pas chez nous comme là-bas, mais si les sondages voient juste et que la CAQ l’emporte, le PLQ et le PQ qui se partagent le pouvoir depuis près d’un demi-siècle vont devoir, à leur tour, céder le pas.
DES ÉLECTEURS DÉROUTANTS !
Partout en Europe, les partis traditionnels reculent.
FRANCE
Élections des 11 et 18 juin 2017
- En Marche ! (centre) 28,21 % (Inexistant auparavant)
- Les républicains (centre droit) 15,77 % (-22 %)
- Parti socialiste (centre gauche) 7,44 % (-33,47 %)
ESPAGNE
Élections du 20 décembre 2015
- Parti populaire (centre droit) 28,71 % (-15,9 %)
- Parti socialiste ouvrier (centre gauche) 22 % (-6,8 %)
- Podemos (gauche) 20,68 % (Inexistant auparavant)
SUÈDE
Élections du 9 septembre 2018
- Parti social-démocrate (centre gauche) 28,4 % (-2,6 %)
- Modérés (centre droit) 19,8 % (-3,5 %)
- Démocrates de Suède (extrême droite) 17,6 % (+4,7 %)
ALLEMAGNE
Élections du 24 septembre 2017
- CDU/CSU (centre droit) 32,93 % (-8,6 %)
- SPD (centre gauche) 20,51 % (-5,2 %)
- AfD (extrême droite) 12,64 % (+7,9 %)
ITALIE
Élections du 4 mars 2018
- Coalition de centre droit 37 % (+7,8 %) ... grâce à La Ligue (extrême droite) +13,3 %
- Mouvement 5 Étoiles (populiste) 32,7 % (+7,1 %)
- Coalition de centre gauche 22,9 % (-6,65 %)