[La thèse des effets du repliement identitaire québécois de D. Desroches->10246] fait
la description clinique du phénomène de la retraite individuelle ou
collective toutefois en évacuant le point de vue subjectif de celui ou de
ceux qui font tout pour sortir de la société ou de l’histoire. Le résultat
malheureux de cette approche se traduit par une intervention trop
moralisatrice qui en devient accusatrice contre les groupes ou individus
coupables de ne pas agir. Analyser ainsi le psychisme du peuple Québécois
de façon aussi tranchée créé l’effet contraire désiré.
Nous sommes responsables de nos destins mais nous sommes d’abord le
produit de ce que les autres ont fait de nous. L’omettre c’est s’interdire
de comprendre la programmation comme phénomène de structuration malsaine
des identités communes ou individuelles. Concrètement. Comprendre sans trop
user du ton de la sentence c’est se donner des moyens de changer les
choses. Un adulte isolé par exemple qui vit dans un milieu clos très
souvent dans le passé de son enfance a rencontré des traumatismes qui l’ont
bloqué dans son développement. Cette programmation du trauma en terme de
coups reçus physiques ou psychologiques ne fait plus croire chez cette
majorité des personnes dans leurs capacités. Pour la nation québécoise il
en va quelque sorte de même déracinée par la conquête puis réprimée
militairement une seconde fois, contrainte de se retrouver progressivement
isolée sur le continent, elle s’est inventée inévitablement des chimères
dans le but de survivre.
Dans toutes ces histoires si on est fatigué de l’apathie des peuples ou
des personnes qui ont connus l’échec, il faut quand même rentrer dans la
perception vécue de ces groupes ou personnes afin de pouvoir comprendre de
l’intérieur que c’est par l’éducation dans le sens large et un type de
communication initiatique que des changements peuvent se mettent en branle.
Mention est faite ici de l’initiation en tant qu’introduction à
l’acquisition de nouvelles capacités et connaissances non en terme de
pensée magique.
C’est qu’il faut surtout revenir à la source des situations de blocage,
tenter de l’extérieur de ressentir ce que des gens ou des peuples ont
rencontrés comme formes d’humiliations et comment celles-ci chez eux ont
déterminé une forte perception craintive de la réalité à venir. C’est la
démarche bien sûr d’un psychologue sensible aux états post traumatiques
observés chez les individus conscient que son écoute, sa considération des
récits qu’il entend amènera chez ces individus des voies pour le
changement. Il n’est pas question d’angélisme ici ni de bons sentiments.
Dans les psychothérapies d’analyse des traumas, les personnes relatent avec
colère ou haine les abus sexuels vécus dans l’enfance, les abandons
maternels ou paternels, les autoritarismes parentaux et plus souvent que
l’on croit aussi des situations de bouc émissaires insupportables à vivre
supportant la vexation de groupes persécuteurs. Dans ces lieux de thérapie,
la rage est exprimée contre les humiliations vécues mais aussi contre le
sentiment d’impuissance ressentie.
Sans dire que la psychothérapie est remarquable comme invention, on peut
dire qu’elle réussit à opérer une certaine prise de conscience chez
l’individu marqué. Cela est juste à la condition de ne pas dire qu’un
certain type de personnes s’avère incapable de se prendre en mains, de
faire et d’agir en conséquence. Ce qu’il faut faire au contraire c’est de
trouver les généalogies, les causes des comportements dits marginaux ou des
immobilismes collectifs. Comment par exemple la pratique de la confession
dans les églises chrétiennes a induit dans les sociétés très pratiquantes
un comportement de soumission devant les autorités comme cela a été le cas
passablement au Québec. Trouver dans la généalogie de notre histoire pas
seulement la trace des ancêtres mais davantage l’ensemble des événements
produit par la conquête qui a vu notre mobilité dans l’espace continental
se réduire essentiellement au territoire québécois du fait du véritable
séparatisme qui est dans son essence anglo-saxon.
Si Nietzsche est en résumé le penseur de l’agir méprisant toute faiblesse,
M. Foucault qui s’en est inspiré pour sa généalogie des pratiques et des
valeurs est le penseur contre tous les pouvoirs possibles qui de
l’extérieur jusqu’à dans l’intime des êtres empoisonnent nos vies.
La souveraineté selon ce raisonnement développé a besoin d’une pédagogie
au fil des jours pour qu’elle reste possible qu’importe que demain en toute
relativité conservateurs ou adéquistes gouvernent le Québec. Ce qui est
stérile sous peine de suicide collectif ne peut perdurer. Rien n’est
probable garanti ce qui invite à la vigilance de la colère contre ces
politiciens qui veulent pourrir le Québec. Ce qui est sûr c’est qu’il faut
des mentors, des êtres d’inspiration pour des sociétés comme hier
R. Lévesque et P. Bourgault l’ont été pour nous, de remarquables individus
capables de nous relancer en tant que nation en évitant l’auto
flagellation.
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2 commentaires
Jean Pierre Bouchard Répondre
13 novembre 2007Tout ce que vous exprimez est très intéressant monsieur Desroches. Si j'ai été un peu sec dans mon commentaire sur votre article on peut y trouver la cause dans la sensibilité critique qu'on peut ressentir à l'égard d'un libéralisme économique qui use d'une idéologie du volontarisme afin d'évacuer le problème chronique des inégalités en procédant depuis deux siècles à une fausse "naturalisation" de la pauvreté. Le pouvoir politique américain abandonne ses sans abris en arguant qu'ils sont malades de leur mauvaise volonté.
L'autonomie de l'un se développe par la présence initiatrice de l'autre. La force ne peut être qu'une énergie communicatrice.
Une "thérapie" du peuple Québécois passe premièrement par la transformation d'une chaîne comme Télé Québec dans le but d'en faire un moyen de communication de sensibilité nationale mettant à mal l'abrutissement causé par nos médias convergents comme Québécor et Radio Canada.
Archives de Vigile Répondre
13 novembre 2007Cher Monsieur Bouchard,
je vous remercie beaucoup de réagir à la thèse du repliement identitaire. Le but recherché par mon texte est atteint ! Voici quelques remarques susceptibles de faire avancer le débat.
D'abord, comme le dit explicitement mon texte qui repose sur une analogie classique entre l'individu et la société, il est possible de trouver des exceptions individuelles à la thèse. Mieux : nous les souhaitons ! Ce ne sont pas, certes, tous les Québécois qui ressentent le besoin de se replier. Contrairement à votre interprétation, la thèse du repliement ne stigmatise personne. Là n'est donc pas mon point !
Aussi, je vois que vous partagez la thèse puisque vous en cherchez la signification en aval, c'est-à-dire dans les raisons de répondre au repliement. Comme moi, vous savez bien que les individus ou le peuples en bonne santé ne se replient pas. Voilà pourquoi votre réponse se termine sur des considérations pédagogiques et sur un appel aux grands mentors, ce qui peut, selon moi, ressembler à de la nostalgie... La nostalgie est le symptôme d'une perte !
Enfin, si j'accepte votre lecture et que mes prochains textes répondront au repliement, je dois rappeler que le repliement procède comme la marée : il y a des hauts et des bas. Dans le moment, les Québécois semblent connaître le creux. Ce creux n'est pas éternel. La marée - et je n'insisterai jamais assez - ne moralise personne. Nietzsche, que j'ai invoqué, n'est pas un défenseur de la morale, et moi non plus. Foucault a tenté de comprendre la structure du pouvoir et ne refuserait pas l'idée de l'ajournement proposée à la fin de mon texte. En ce sens, mon texte attaque de front la position du suicide collectif.
Nota : Après Nietzsche, Freud a proposé la psychanalyse ! Je ne suis pas sûr cependant que la Commission Bouchard-Taylor permettra au Moi québécois, épris d'étourdissements volontaires et sujet aux effets puissants de la pensée magique (ce que certain nomme le deni), de prendre lentement conscience de ses conflits inconscients... L'avenir nous le dira.