La nouvelle donne

Avec GESCA, le simple "retour en arrière" se nomme "progrès", "changement" et "avenir". Et on devrait s'en réjouir. Quelle insignifiance, ce discours, quand il sera lu au lendemain de l'indépendance!...



La présence du président de la République française, Nicolas Sarkozy, au Sommet de la francophonie devait être un des moments forts du 400e de Québec. Mais le fait qu'il vienne sans Carla Bruni, et qu'il passe en coup de vent, à peine 24 heures, pour rencontrer ensuite le président Bush, a déçu bien des gens.
Mais quand on voit la nature des débats sur les relations entre le Québec et la France, trop bien illustrés par une [lettre adressée à M. Sarkozy par Louise Beaudoin et Jean-François Lisée,->15629] on comprend un peu que le président français ait le goût de se sauver!

Cette lettre d'artisans des gouvernements du Parti québécois nous rappelle à quel point nos relations avec la France ont été monopolisées pendant des années par les jeux de coulisses et l'attachement aux formules. On peut mesurer à l'émoi qu'a provoqué l'intention du président de repenser la doctrine des rapports France-Québec-Canada, symbolisée par la formule «ni ingérence, ni indifférence».
Ce qui est en train de se produire, c'est que le Québec change, que la France change, et que les rapports entre la France et le Québec commencent eux aussi à changer. Enfin!
Les relations du Québec avec la France, et plus largement avec la francophonie, ont reposé, au fil des décennies, sur trois préoccupations. À un premier niveau, elles reflétaient le besoin du Québec, petite société francophone isolée, de pouvoir compter sur des alliés et des partenaires. À un second niveau, la francophonie, avec l'appui de la France, a donné une légitimité au désir du Québec de jouer un rôle international et lui a permis de se définir une personnalité diplomatique.
Mais il y un troisième niveau, qui a bouffé des énergies folles, quand les relations avec la France sont devenues un élément de notre psychodrame référendaire. Les gouvernements péquistes ont consacré beaucoup d'efforts à courtiser les politiciens français pour qu'ils appuient leur cause et à s'assurer que la France, si les Québécois choisissaient l'indépendance, appuierait le Québec et ferait pression sur le Canada pour qu'il reconnaisse le nouveau pays. C'est dans ce contexte que la formule « non-ingérence, non-indifférence» a pris tout son sens.
C'est une période révolue. Pour une raison bien simple: plus personne ne croit sérieusement que le Québec puisse, dans un avenir prévisible, choisir la souveraineté. Nous le savons fort bien, nos amis Français aussi. M. Sarkozy, quand il parle de «l'époque des référendums sur la souveraineté au Québec», la place dans le passé. Pourquoi la France définirait-elle sa diplomatie en fonction d'une éventualité si ténue? Comme le dit le président, «le contexte a changé».
On ne peut pas non plus reprocher aux Français de vouloir concilier leurs rapports privilégiés avec le Québec avec un renforcement de leurs liens avec le Canada. Est-ce incompatible? La grande majorité des Québécois, toutes tendances confondues, concilient leur identité québécoise avec leur appartenance au Canada.
Il y a aussi des changements en France. M. Sarkozy est le politicien français le plus nord-américain, on le voit dans l'entrevue à sa façon de parler du capitalisme et du marché. Sa diplomatie, moins florentine, plus pragmatique, s'écarte du modèle français traditionnel.
Nous avons donc changé d'époque. Et la lettre de Mme Beaudoin et de M. Lisée reflète surtout la panique provoquée par le fait que le projet souverainiste et ses défenseurs n'ont plus le monopole sur les relations franco-québécoises. Bien sûr, on tentera d'élargir l'enjeu en disant craindre que le changement de doctrine, et que le réchauffement des rapports entre la France et le Canada, fassent perdre au Québec l'appui de la France dans ses efforts pour s'affirmer sur la scène internationale.
Ce n'est pas ce qu'on observe dans les faits. L'entente Québec-France sur les qualifications professionnelles est non seulement une initiative importante, elle illustre le fait que le premier ministre Charest joue un rôle international, et que le Québec continue à bâtir ses partenariats et ses complicités avec la France. Le sommet Canada-Union européenne, qui se déroule aujourd'hui, est un autre exemple. C'est Jean Charest qui fait la promotion d'un projet de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, une idée reprise par le Canada, et qui peut faire des progrès grâce à la complicité de la France. Voilà plutôt un exemple de relations triangulaires productives.
On n'assiste pas à un affaiblissement des relations France-Québec, ni à un rétrécissement du rôle international. Mais à une transformation de ces rapports pour refléter un contexte nouveau. C'est pour le mieux.


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