La dernière chose que souhaitait Pauline Marois était certainement de transformer le conseil national de la fin de janvier en tribunal d'appel du vote de confiance qui lui a été accordé au congrès d'avril dernier.
Au départ, elle ne voulait rien entendre des propositions de renouveau démocratique présentées par Bernard Drainville, notamment le référendum d'initiative populaire, perçu comme une contestation de sa stratégie de «gouvernance souverainiste», mais elle s'y est résignée en espérant que cela mettrait un terme à la fronde.
Elle vient de faire un autre virage à 180 degrés en l'espace de 24 heures sur l'alliance avec Québec solidaire, plongeant dans l'embarras ses fidèles qui ridiculisaient l'idée, convaincus qu'elle s'y opposait. Si des «discussions» ont été entreprises avec QS, comme le prétend l'entourage de Mme Marois, elles ont été d'une discrétion à laquelle le PQ ne nous a pas habitués.
La chef du PQ a beau avaler une couleuvre après l'autre, rien n'y fait: la question du leadership ressurgit inexorablement. L'ancien président du SPQ libre, Marc Laviolette, l'a reformulée avec son inimitable style: «Le peuple ne la veut pas, la madame, il faut qu'elle parte. Duceppe doit venir!»
Convaincu que Mme Marois jouit toujours de la confiance des militants péquistes, un de ses lieutenants, le député de Drummond, Yves-François Blanchet, estime qu'il vaudrait peut-être mieux crever l'abcès en tenant un autre vote de confiance au conseil national. «Je n'ai pas peur de ce débat-là. Je suis convaincu que l'appui à Mme Marois est massif au PQ», assure-t-il.
Mme Marois est-elle prête à courir ce risque? Au point où elle en est, pourquoi pas? Elle ne retrouvera certainement pas les 93 % d'avril, mais les délégués ne lui feront sans doute pas l'affront de lui montrer ouvertement la porte. Tant qu'à faire face à une demande de démission, aussi bien prendre les devants.
Il lui faudra vérifier au préalable la solidité de l'appui du caucus des députés, qui se réunira pendant deux jours à Joliette la semaine prochaine. Y a-t-il d'autres transfuges en puissance? Et combien d'inquiets?
Ceux qui souhaitaient voir Gilles Duceppe débarquer à Québec étaient très déçus en novembre dernier, quand il avait adressé à la chef péquiste une lettre dans laquelle il écrivait: «Je n'ai aucune velléité de prendre la place de qui que ce soit. Je ne cautionne ni n'encourage aucune contestation de ton leadership. [...] Je souhaite que tu mènes le Parti québécois à la victoire aux prochaines élections.»
Sa déclaration d'hier était d'une tout autre eau: «J'ai confiance que Pauline Marois et les militants sauront prendre les décisions qu'il faut pour le parti et l'avenir au conseil national.» L'ancien chef du Bloc québécois aura beau s'en défendre, cela peut très bien être interprété comme un appel au putsch. Il y a deux mois, il disait ne pas être prêt à revenir en politique. Il ne dit plus rien de tel.
M. Duceppe ne voulait pas hériter du trône du PQ après une guerre fratricide, mais le leadership de Mme Marois semble maintenant si fragile, et les péquistes si inquiets, qu'il peut envisager une opération moins douloureuse.
La chef péquiste aurait pu être sauvée par le déclenchement d'élections hâtives, mais le premier ministre Charest n'est pas en position de se lancer en campagne. Si rien ne change, il n'y a aucune raison pour que cesse l'hémorragie qui a coûté en moyenne un député par mois au PQ depuis juin dernier.
Tout le monde reconnaît que Mme Marois a fait face à l'adversité avec beaucoup de courage au cours des derniers mois, mais il est de plus en plus difficile de plaider qu'en s'accrochant à son poste, elle sert au mieux les intérêts du PQ et du mouvement souverainiste. Qu'on le dise aussi crûment que Marc Laviolette ou avec plus de tact, comme Bernard Drainville, le constat est le même: elle est devenue un boulet.
Il y a deux mois, un sondage CROP créditait le PQ dirigé par Gilles Duceppe de 34 % des intentions de vote, devant la CAQ (31 %) et le PLQ (25 %), alors qu'il en recueillait 25 % avec Mme Marois.
Malgré les perspectives de réélection que cela laisse entrevoir, M. Duceppe est loin d'être assuré d'un couronnement. En mai 2007, il avait dû se retirer piteusement de la course à la succession d'André Boisclair faute d'appuis au sein du caucus, et rien n'indique que les députés, qui craignent son autoritarisme comme la peste, sont mieux disposés à son endroit aujourd'hui. La crainte de le voir débarquer à Québec avec sa garde prétorienne demeure peut-être le meilleur argument en faveur de «la madame».
Si, de guerre lasse, elle décidait de jeter l'éponge, ceux qui ne veulent rien savoir de M. Duceppe pourraient très bien se trouver un autre candidat. D'ailleurs, les propositions de renouveau démocratique présentées par M. Drainville de même que son appel à une alliance avec Québec solidaire ressemblent beaucoup à l'ébauche d'une plateforme.
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