Nadia El-Mabrouk et François Dugré
Les auteurs appartiennent au Rassemblement pour la laïcité.
Lors de l’annonce du poste de représentant canadien à la lutte contre l’islamophobie, nous avons été nombreux à souligner l’utilisation abusive et militante de ce terme qui confond dans son usage le respect de la personne de conviction musulmane avec le respect absolu des préceptes de l’islam.
Le dernier sondage Angus Reid illustre bien notre propos en reconduisant une telle confusion. Selon ce sondage, les Québécois auraient une opinion plus négative de l’islam que la moyenne canadienne et seraient davantage favorables à la loi 21.
On le sait, le Québec a une vision plus négative que le reste du Canada de toutes les religions et une plus grande aspiration à la laïcité. Cela découle de son parcours historique et de son attachement à un modèle de vivre ensemble basé sur des valeurs citoyennes communes. Or, la firme Angus Reid ne manque pas de conclure que les Québécois seraient plus islamophobes, au sens de racistes, que le reste du Canada. La lutte contre l’islamophobie consisterait-elle, au nom d’un antiracisme dévoyé, à inculquer une vision positive de l’islam ? Faudrait-il en faire autant pour toutes les religions ?
Ce que cache la lutte contre l’islamophobie
Plus concrètement, on vient d’apprendre que la Division de la revue et de l’examen (DRE) de l’Agence du revenu du Canada, chargée de veiller à ce que les organisations caritatives ne soient pas utilisées pour financer le terrorisme, fait l’objet d’une enquête en raison d’allégations d’islamophobie. Les plaignants font notamment valoir que 75 % des organismes dont le statut d’organisme de bienfaisance a été révoqué sont musulmans. Il appartiendra à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement de trancher après enquête, mais soulignons d’emblée qu’un tel écart statistique ne présume aucunement d’une injustice.
Parmi les organisations révoquées, les médias ont déjà rapporté le cas du Centre islamique d’Ottawa pour promotion de la haine et de l’intolérance, de l’IRFAN-Canada pour financement du Hamas ou de l’ISNA pour financement de Jamaat-e-Islami, tous deux inscrits sur la liste des entités terroristes du Canada. Un simple parcours de cette liste permet d’ailleurs de constater qu’elle est constituée dans sa grande majorité de groupes islamistes. Du reste, un document sur la stratégie antiterroriste du Canada tire la même conclusion : « L’extrémisme islamique violent est la principale menace pour la sécurité nationale du Canada ».
En fait, suspendre les travaux de la DRE était l’une des recommandations du Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) lors du sommet national sur l’islamophobie de 2021 ayant mené à la création du poste de représentant canadien à la lutte contre l’islamophobie. Parmi ses autres recommandations, le CNMC appelle le gouvernement à interrompre sa stratégie nationale de lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation, ainsi qu’à surveiller les organismes de sécurité nationale, dont le Service canadien du renseignement de sécurité et l’Agence des services frontaliers du Canada. Pourquoi ? Le CNMC les soupçonne de racisme, d’islamophobie et exige même une étude sur « la pénétration de la suprématie blanche » en leur sein.
Faire cesser la surveillance des organisations susceptibles de financer le terrorisme et mettre sous contrôle les organismes de sécurité nationale sous prétexte de racisme, est-ce à cela que contribuera le poste de représentant canadien à la lutte contre l’islamophobie ? Les Canadiens prennent-ils la pleine mesure de ce que tout ceci implique ?
La laïcité comme arme de diabolisation massive
À la suite du sondage Angus Reid, les médias ont relayé des propos outranciers sur la supposée « islamophobie » rampante au Québec, le CNMC allant même jusqu’à parler de danger de mort pour les musulmans.
À ce propos, Fatima Aboubakr a apporté un témoignage éclairant sur la façon dont la loi 21 était utilisée, quitte à exagérer son champ d’application, pour diaboliser le Québec et faire avancer des objectifs islamistes. Témoin de la radicalisation de jeunes de son entourage, Mme Aboubakr a participé à la fondation d’une association arabo-musulmane à vocation humaniste et laïque pour aider ces jeunes. Or, cette vocation humaniste a rapidement été mise à mal par des pressions interdisant tout propos favorable à la laïcité. Elle témoigne aussi de l’état de dépendance dans lequel se trouvent de nombreux immigrants embrigadés par des intervenants associatifs en rupture avec leur société d’accueil.
Ce n’est pas la première fois qu’un tel constat est brossé. En 2016, dans le cadre du départ d’une dizaine de jeunes du cégep Maisonneuve vers la Syrie, un rapport du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence faisait état d’un climat polarisant entretenu par des « agents de radicalisation » manipulant le sentiment de victimisation des jeunes en instrumentalisant le projet de Charte de la laïcité. Ces agents de radicalisation auraient considérablement contribué « à semer la haine chez les jeunes, en insistant sur le rejet collectif des musulmans et de l’islam de la part de la société québécoise ».
La lutte contre l’islamophobie est un écran de fumée permettant à des individus peu scrupuleux ou radicalisés de maintenir leurs concitoyens dans un état d’enfermement communautaire les isolant du reste du Québec, sans parler d’OBNL à vocation religieuse profitant de l’impunité qui en découle pour servir de courroie de transmission au financement du terrorisme international.
Si le gouvernement canadien doit assurément lutter contre la haine, il ne doit pas se laisser berner par l’usage volontairement confus du terme « islamophobie » au point d’entraver le bon fonctionnement des organismes de sécurité nationale. Son rôle premier est d’assurer la sécurité de ses citoyens tout en préservant sa crédibilité à l’étranger.