« Notre nation a été choisie par Dieu et mandatée par l'Histoire pour servir de modèle de justice ! » Cette citation de George W. Bush pourrait aussi bien être attribuée à Ben Laden tant les deux hommes pensent de la même façon.
Le président américain, qui justifie chacune de ses décisions politiques par la volonté de Dieu, affirme sans ambages qu'il s'en remet à « la foi pour résoudre les plus grands problèmes de la nation ». Ceci n'est pas qu'un banal opportunisme de politicien en mal de populisme : George W. Bush, fondamentaliste convaincu, pense réellement que Dieu est avec lui, donc avec les États-Unis.
Plusieurs ont découvert ce côté bigot de Bush au lendemain des attaques du 11 septembre lorsqu'il lança sa « croisade contre l'axe du mal ». Mais il est en fait venu en politique à la manière de Claude Ryan, se disant investi d'une mission divine : « Je suis venu à la Maison-Blanche, a-t-il déclaré, parce que j'ai trouvé la foi. J'ai trouvé Dieu. Je suis ici à cause du pouvoir de la prière. » George W. Bush prie aussi, selon ses propres dires, pour remercier « un Dieu généreux et tout-puissant », ce même Dieu qui lui commande de maintenir la peine de mort et de combattre le droit à l'avortement.
Religion et préjugés
Une telle religiosité conservatrice et utilitariste, alimentée par la conviction d'être dans la Vérité est désignée par les spécialistes de la religion comme une religiosité extrinsèque (par opposition à une religiosité intrinsèque portée par une démarche spirituelle et des valeurs d'empathie). Les études montrent que les individus qui affichent une telle religiosité font également preuve de préjugés de toutes sortes face à ceux qui sont de religion, de culture, d'ethnie ou de systèmes moraux différents des leurs. Les croyants de ce type dressent un mur étanche entre le « nous » et les « autres », entre les bons et les méchants. En déclarant que le Bien est de son côté et que ceux qui ne pensent pas comme lui sont le « mal », Bush présente un cas typique de religiosité extrinsèque.
Une telle forme de pensée, qu'elle soit alimentée par la foi chrétienne, musulmane, juive ou autre, ne peut qu'exacerber les tensions politiques lorsqu'elle constitue la grille d'analyse ou le pôle de référence d'un chef d'état. Lorsque c'est le chef du pays le plus puissant au monde sur les plans économique, politique et militaire, qui justifie ses actions non pas par le rationnel politique mais par la ferveur religieuse, il y a lieu de s'inquiéter. L'amalgame de fondamentalisme religieux, de politique et de puissance militaire est la recette parfaite du fanatisme qui risque de conduire au fascisme. [Dans un volume récemment, l'économiste Rodrigue Tremblay soutient même que les États-Unis risquent, sur cette lancée, de devenir au 21e siècle ce que l'Allemagne a été au 20e siècle.->auteur671] Wake up camarades !
Pour une république laïque
Comment une telle chose est-elle possible dans une république laïque ? C'est que les États-Unis, justement, ne sont pas un pays laïque. Le 1er amendement de la constitution américaine n'a pas pour effet d'établir la laïcité de l'état mais d'assurer que l'état ne favorise pas une religion plus qu'une autre. Ce sécularisme assure une certaine séparation entre l'état et les églises mais pas entre l'état et LA religion. Rien n'empêche le chef d'état de gouverner à la manière d'un preacher.
Un véritable état laïque se tient plutôt à distance de tout ce qui est religieux sans pour autant combattre la religion. Sur ce plan, le Canada--une monarchie dont la constitution reconnaît la suprématie de Dieu et dont le souverain est un chef religieux--affiche paradoxalement une tradition et une culture publique nettement plus laïques que son voisin républicain.
Mais si l'intégrisme religieux a pu aisément se frayer un chemin jusqu'au pouvoir dans une république démocratique, on a toutes les raisons de craindre que la même chose puisse arriver dans une monarchie fondée sur la reconnaissance de la suprématie de Dieu. On n'a qu'à imaginer ce qui pourrait arriver avec l'Alliance canadienne au pouvoir. Pour empêcher le dérapage vers le fanatisme religieux, il est urgent que le Canada, et le Québec dans une perspective de souveraineté, se dotent d'une déclaration de laïcité de l'état à l'exemple des modèles français et mexicain.
La laïcité bien comprise est par ailleurs beaucoup plus qu'une simple séparation des religions et de l'état. La laïcité, c'est l'idéal républicain que l'on retrouve dans la notion des droits fondamentaux de la personne. Toutes les chartes qui reconnaissent la liberté de conscience et l'égalité des personnes sans distinction de sexe, d'ethnie ou de religion expriment l'essence même de la laïcité.
La laïcité est en fait un humanisme. Par définition, l'humanisme vise le bien être et l'épanouissement de l'humain en prenant comme seul motif d'action la justice et l'égalité, et non une quelconque exhortation divine. L'humanisme digne de ce nom est par conséquent intrinsèquement laïque. (C'est d'ailleurs sur cette base que le Mouvement laïque québécois a résolu de se définir comme une association humaniste et d'entreprendre les démarches pour ajuster ses statuts et son nom en conséquence.)
Bien sûr, la laïcité de l'état ne peut à elle seule empêcher les guerres et elle n'est pas une condition suffisante pour assurer la démocratie, certains régimes totalitaires étant là pour nous le rappeler. Mais elle est par contre une condition nécessaire à la paix entre les individus, entre les groupes et entre les nations. Elle permet d'éviter l'exacerbation des tensions et favorise le réalisme politique plutôt que le fanatisme religieux. Notre époque en a grand besoin.
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Daniel Baril est vice-président du Mouvement laïque québécois (MLQ).
La laïcité est un humanisme
Et les tensions actuelles montrent que notre époque en a grand besoin
Laïcité — débat québécois
Daniel Baril46 articles
Anthropologue de formation, ex-rédacteur à l’hebdomadaire Forum de l’Université de Montréal, administrateur au Mouvement laïque québécois et à l’Association humaniste du Québec.
Auteur de Aux sources de l’anthropomorphisme et de l’idée de Dieu et codirect...
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Anthropologue de formation, ex-rédacteur à l’hebdomadaire Forum de l’Université de Montréal, administrateur au Mouvement laïque québécois et à l’Association humaniste du Québec.
Auteur de Aux sources de l’anthropomorphisme et de l’idée de Dieu et codirecteur des ouvrages collectifs Heureux sans Dieu et Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec.
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