La famille éclatée

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Une recomposition totale du mouvement souverainiste


Tout juste une semaine avant le congrès de « refondation » du PQ, la députée indépendante de Marie-Victorin, Catherine Fournier, a annoncé la création d’un nouveau mouvement souverainiste baptisé Ambition Québec. Cette coalition de souverainistes indépendants aura le mandat de « mettre de côté les divergences et de faire l’indépendance », a-t-elle expliqué dans une entrevue à La Presse. Elle en précisera les contours dans un livre à paraître le 19 novembre.


Mme Fournier a dit ne pas s’attendre à ce que « les gens très militants » à Québec solidaire et au PQ soient enchantés de son initiative. C’est un euphémisme. Déjà, son départ du PQ a relégué le parti au rang de troisième groupe d’opposition, et il lutte maintenant pour sa survie. Plusieurs diront que l’objectif de ce mouvement sera plutôt de servir les ambitions de sa fondatrice.


Il ne s’agira pas simplement d’ajouter à la multitude de groupes qui coexistent déjà sous le parapluie des Organisations unies pour l’indépendance (OUI, que préside Claudette Carbonneau), mais de former une « coalition électorale de circonstance », dont les candidats lutteront contre ceux des partis souverainistes qui sont déjà représentés à l’Assemblée nationale.


L’idéal serait évidemment que tous mettent temporairement leurs divergences idéologiques de côté pour reformer la grande coalition que le PQ se voulait au départ, mais il ne faut pas rêver en couleurs. Les lendemains difficiles du référendum de 1995 ont fait éclater la famille indépendantiste, et la réconciliation n’est pas pour demain.


La situation actuelle n’a rien à voir avec celle de la fin des années 1960, quand le Ralliement national (RN) de Gilles Grégoire, qui occupait la droite de l’échiquier politique, et le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) de Pierre Bourgault, qui se situait à gauche, se sont fondus dans le PQ.


Le RN avait seulement deux ans d’existence lors de la fusion avec le Mouvement Souveraineté-Association (MSA), qui allait être rebaptisé PQ. À l’élection de 1966, il avait obtenu seulement 3,2 % des voix. Fondé en 1960, le RIN était devenu un parti politique officiel en 1963 et avait recueilli 5,6 % du vote. Aucun des deux n’avait pu faire élire un député, alors que le PQ et, dans une moindre mesure, QS ont déjà un long historique.


S’il est vrai que René Lévesque et Pierre Bourgault s’entendaient comme chien et chat, on ne retrouvait pas la même animosité à la base. Le rejet de l’alliance électorale avec le PQ et le procès que les délégués de QS lui ont fait ont laissé des traces qui ne sont pas près d’être effacées. Les deux partis semblent plus désireux d’abattre l’autre que n’importe quel adversaire fédéraliste. Même la « feuille de route » commune vers la souveraineté, pourtant très souple, négociée sous les auspices de Claudette Carbonneau a été reniée par QS.


Pour l’avenir prévisible, on voit mal comment la cohabitation au sein d’une coalition même circonstancielle pourrait être envisageable. On discute depuis des années des causes du discrédit du projet indépendantiste. Elles sont sans doute nombreuses, mais les déchirements dont la famille souverainiste offre le spectacle en font certainement partie. Cette division constitue un facteur de paralysie, dont l’ascension de la CAQ est en grande partie le résultat.


« Notre action politique se concentrera sur la fondation d’un pays, non pas sur la gestion ordinaire d’une province », peut-on lire dans la « Déclaration de principes » qui sera soumise aux militants péquistes qui se réuniront en congrès spécial à Trois-Rivières à la fin de semaine prochaine. François Legault n’avait cependant pas tort de dire que le « pays rêvé » ne doit pas empêcher de bâtir le « pays réel ».


Tous les anciens péquistes qui se sont joints à lui ne sont pas nécessairement des opportunistes. De la même façon que Yves-François Blanchet a décidé que le Bloc québécois devait se préoccuper en premier lieu de défendre les intérêts du Québec dans le Canada, il faut aussi voir au mieux-être des Québécois dans le Québec actuel.


Certes, cela n’empêche pas de penser au « pays rêvé ». Les partis souverainistes étant incapables de régler leurs différends, les Organisations unies pour l’indépendance ont annoncé au printemps dernier leur intention de convoquer « des assises de concertation du mouvement indépendantiste afin de trouver une voie de passage commune vers l’indépendance », en s’inspirant des États généraux du Canada français qui s’étaient réunis dans les années 1960.


Si séduisante que puisse paraître la coalition proposée par Mme Fournier, il serait préférable d’attendre les conclusions de cet exercice. Il ne faudrait surtout pas compliquer encore les choses.









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