La croix du Mont-Royal brille depuis 98 ans…

… mais c’est à Maisonneuve qu’on la doit

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Le repère visuel et patrimonial symbolise la reconquête territoriale

PHOTO ARCHIVES MUNICIPALES DE MONTRÉAL


L’érection de la grande croix et son illumination est une façon pour les Canadiens français de prendre symboliquement possession d’un secteur de Montréal historiquement associé à la bourgeoisie économique et anglophone. Un geste qui rappelle celui de Mgr Bourget qui, à la suite de l’incendie de la cathédrale Saint-Jacques, rue Saint-Denis, fait construire sa nouvelle cathédrale plus à l’ouest dans les zones historiquement liées aux riches Anglo-saxons.




Saviez-vous que la croix du mont Royal a été allumée pour la première fois le 24 décembre 1924 ? Il y a 98 ans, cet événement spectaculaire a illuminé les environs grâce à 240 ampoules électriques fixées sur la structure métallique.


Au fil des années, cette grandiose croix du mont Royal est devenue un des plus importants emblèmes identitaires positionnant Montréal à l’international. 



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Cette croix revêt toutefois un caractère historique puisque son aventure commence la veille de Noël 1642 dans le fort de Ville-Marie. 


Cette journée-là, il pleut abondamment sur la nouvelle colonie au pied du mont Royal. La pluie tombe depuis plusieurs jours et fait dangereusement gonfler le fleuve. 


Le fort de Ville-Marie, construit au printemps et à l’été de la même année, est fragile et risque d’être détruit par les eaux qui montent. 


Désespéré, Maisonneuve prie la Sainte Vierge, il lui demande de sauver sa petite colonie de l’inondation. 



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Il fait alors la promesse d’ériger une croix en bois sur le mont Royal si son vœu est exaucé. 


Par miracle presque, la pluie cesse dans les heures qui suivent.


Le 6 janvier 1643, jour de la fête des Rois, le gouverneur tient parole. Comme un acte de contrition que ces Montréalistes s’imposent, Maisonneuve et ses hommes portent fièrement la fameuse croix promise et l’installent sur la montagne. 


Dix ans plus tard, pendant un pèlerinage à la croix, Maisonneuve constate qu’elle a été renversée, il mandate alors des colons pour la relever et la protéger par de grands pieux. 


Il ne reste malheureusement aucun vestige de cette première croix dont on perd la trace durant le 19e siècle. 


On ne sait d’ailleurs pas où elle a été précisément dressée. En juin 1874, pour souligner son 40e anniversaire d’existence, la Société Saint-Jean-Baptiste lance l’idée d’ériger une autre croix sur le mont Royal en souvenir de celle qui a été érigée par le sieur de Maisonneuve au 17e siècle.  





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La croix actuelle a 33 mètres de hauteur et ses bras s’étendent sur dix mètres. Sa structure métallique est composée de 1830 pièces reliées à au moins 6000 rivets. Elle pèse 26 tonnes et repose sur huit pilastres de béton. Aujourd’hui, l’éclairage de la croix est fait d’ampoules de type DEL contrôlables à distance et reproduit l’effet des bonnes vieilles ampoules d’origine.




Statue de la Vierge


Pour faire écho à ce projet de commémoration, le sculpteur Louis-Philippe Hébert, appuyé de monseigneur Fabre, propose d’ériger au sommet du mont Royal une gigantesque statue de bronze de 61 mètres de la Vierge Marie. 


Ces ultramontains rêvent d’une sculpture titanesque de la Sainte-Marie qui dominerait Montréal, un peu comme le Christ rédempteur de Rio de Janeiro. Cependant, celle de Montréal serait deux fois plus haute que celle du Brésil et plus imposante que la célèbre statue de la Liberté à New York. 


Lorsque le maire de Montréal Honoré Beaugrand reçoit cette proposition d’une statue de bronze de la Vierge, il la rejette sans hésiter.


Il a fallu attendre 50 ans entre le moment où l’idée d’une croix commémorative a germé et son installation en 1924. 


Le moment est propice, car c’est la grande époque du nationalisme typiquement canadien-français de Lionel Groulx. 


Les Sociétés Saint-Jean-Baptiste du pays sont très influentes. Le projet se concrétise surtout avec l’appui de plusieurs catholiques adultes et enfants qui aident au financement par la vente de timbres commémoratifs au prix de 5 ¢ chacun. 


Clin d’œil à Jacques Cartier


Les travaux de construction débutent en mai 1924. Sur les bras de la croix, on a l’intention de créer une plateforme d’observation, mais le projet n’a finalement jamais lieu, faute de moyens. 


À la mi-septembre, la compagnie Dominion Bridge termine la structure métallique. La Montreal Light, Heat and Power quant à elle fournit gratuitement l’électricité pour l’illuminer. 


En 1929, la Société Saint-Jean-Baptiste offre la croix en cadeau à la Ville. 





PHOTO SOUS GFDL


Les ampoules de la croix du mont Royal changent de couleur dans certaines circonstances, comme au moment du décès d’un pape. Durant les années 1980, elle a scintillé en rouge lors d’une marche pour le sida.




Légèrement orientée vers l’est, la majestueuse croix du mont Royal, avec ses 33 mètres de hauteur, est visible par temps clair à 80 km de distance. 


Repère visuel et patrimonial, elle devient le symbole le plus important de la ville de Montréal.  


Cette magnifique croix érigée par la Société Saint-Jean-Baptiste rappelle certes celle de Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, mais elle fait un clin d’œil au geste de Jacques Cartier qui a érigé, lui aussi, une croix à Gaspé au nom du roi de France.





PHOTO SOUS GFDL ROBIN CANTIN


Sous la croix, une plaque marque l’emplacement d’une capsule de temps déposée en 1992 dans le cadre des célébrations du 350e anniversaire de Montréal. Elle contient des messages et des dessins de 12 000 enfants montréalais décrivant leurs visions du Montréal de 2142. Cette capsule sera ouverte dans 120 ans lors des célébrations du 500e anniversaire de Montréal.