La charte va trop loin, selon la CSN

La CSN n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a déjà été

La charte de la laïcité « frappe fort et sans discernement » en interdisant le port de signes religieux à tout le personnel de l’État, estime la CSN qui souhaiterait aussi y voir une clause de droits acquis, soit la reconnaissance d’un droit acquis pour le port de signes religieux pour ceux qui sont déjà embauchés lors de l’adoption de la loi.

« Interdire le port de signes religieux au travail restreint fatalement le droit au travail et notamment l’accès à l’emploi, peut-on lire dans le document de réflexion sur la charte de la laïcité adopté en conseil confédéral à Québec, jeudi. Une interdiction aussi générale paraît nettement disproportionnée et pourrait s’avérer particulièrement préjudiciable pour les femmes. »

Selon la Confédération des syndicats nationaux (CSN), l’interdiction du port de signes religieux aurait un « impact pernicieux » et « compromet gravement le droit de gagner sa vie et même celui de choisir sa profession, par exemple lorsqu’un monopole d’État existe, comme en santé ». L’organisation syndicale, qui n’est pas en mesure de dire combien de ses membres pourraient être concernés par l’application de la charte, recommande par ailleurs au gouvernement de faire une étude pour évaluer ses impacts spécifiques sur les femmes.

Déconfessionnalisation

Fidèle à la position qu’elle tenait en 2007 et en 2010, l’organisation syndicale estime que la charte devrait s’appliquer aux représentants du pouvoir de l’État — la position que défendait le rapport Bouchard-Taylor —, de même qu’aux enseignants du primaire et du secondaire et aux éducatrices de toutes les garderies du Québec, qu’elles soient publiques ou privées.

Pour la CSN, les enfants représentent « une clientèle captive et impressionnable que l’école doit mettre à l’abri de tout prosélytisme ». Le document précise toutefois que « ce n’est pas à titre d’agent de l’État que l’interdit doit s’appliquer, mais par souci des enfants et pour mener à terme un processus de déconfessionnalisation enclenché depuis 1998 ».

Le gouvernement fait preuve « d’une grande incohérence » en refusant d’appliquer la charte aux écoles privées, financées à 60 % par l’État, ajoute la CSN. « Le traitement de faveur dont elles bénéficient jette un discrédit important sur le projet de loi. […] Pour nous, toutes les écoles subventionnées devraient obéir aux mêmes règles. Si cela paraît inacceptable aux écoles privées confessionnelles, alors il conviendra de cesser de les financer. »

La question du port de signes religieux a soulevé de grands débats au sein des quelque 200 délégués réunis à l’hôtel Delta à Québec, jeudi. « Nous autres, à l’exécutif, on n’est pas à 100 % pour la charte, on est pour à 400 % », s’est exclamé Marc Laviolette de la Fédération de l’industrie manufacturière qui a proposé un amendement pour élargir l’interdiction du port de signes religieux à toute la fonction publique.

À l’inverse, un amendement de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ) visait à soustraire les professeurs du primaire et du secondaire à cette obligation de neutralité vestimentaire. Les deux amendements ont été battus après de longs débats.

Droits acquis

La centrale mise aussi sur le droit acquis pour qu’aucun employé ne perde son emploi, explique son président, Jacques Létourneau. « On parle de gens qui sont déjà à l’emploi et dont la condition était claire lorsqu’ils ont été embauchés. Si la loi fait en sorte qu’on oblige ces gens-là à retirer leur signe religieux ou à perdre leur emploi, nous on dit que ce n’est pas acceptable. Il faut minimalement protéger ces gens-là avec une période de transition. Ça veut dire que dans 20 ans, il y aura moins de signes religieux dans les services publics. »

Cette position a toutefois été critiquée par certains membres, dont le représentant du Comité national des jeunes, Alexandre Roy. « Le maintien des droits acquis, je trouve que ça ressemble beaucoup à une disparité de traitement basée sur la date d’embauche, je trouve que c’est un double discours. »

Ann Gingras, la présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches, s’est dite pour sa part « très déchirée, très mal à l’aise » avec cette mesure de transition qui n’en est pas une et qui risque, selon elle, « d’envenimer les relations de travail » entre les employés. La résolution a tout de même été votée avec une très forte majorité en fin de journée jeudi.

Bien qu’elle soit d’accord avec les grands principes, qui « répondent assez bien à [leurs] demandes », la CSN note, dans sa conclusion, d’autres petits irritants, dont le fait que la charte ne traite pas du crucifix à l’Assemblée nationale ni de la prière avant un conseil municipal. « Certaines incohérences subsistent, qui font qu’on en vient à douter de la sincérité de la démarche. »


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