Il n'est pas nécessaire d'être économiste pour deviner que plus nous nous rapprochons de l'échéance de 2012 et plus il devient difficile pour le Canada de respecter les engagements pris en signant le protocole de Kyoto. En publiant une étude aux conclusions catastrophistes dont on ne sait même pas si elle a été produite par son ministère ou par quelque consultant privé, le ministre de l'Environnement, John Baird, joue le jeu des sociétés pétrolières de l'Ouest qui refusent de reconnaître l'évidence du réchauffement de la planète pour empocher le plus de profits possible à court terme.
D'ici quelques jours, le gouvernement conservateur annoncera les cibles à atteindre pour les industries polluantes. Mais on sait d'ores et déjà qu'on leur demandera tout au plus de réduire le rythme d'augmentation des émissions et non la quantité totale d'émissions de gaz à effet de serre (GES).
À l'inverse du gouvernement, les partis d'opposition, majoritaires à la Chambre, viennent de faire adopter un projet de loi actuellement devant le Sénat, qui forcera le gouvernement à imposer des plafonds absolus d'émissions. C'est donc pour contrer cette offensive que le ministre de l'Environnement tente aujourd'hui de convaincre les Canadiens qu'une telle approche entraînerait le pays en récession et ferait chuter le niveau de vie moyen des Canadiens d'autant que 4000 $ par année!
Or, si l'étude du ministre en arrive à de telles conclusions, c'est parce qu'elle pose des hypothèses de départ farfelues, telle l'imposition d'une taxe de 135 $ pour chaque tonne de GES, un montant absurde.
Le problème méthodologique de cette étude, c'est que celle-ci suppose la mise en application dès janvier prochain, sans aucune transition, des conditions de Kyoto. Qui est assez stupide pour croire qu'après 17 ans de procrastination, un gouvernement, quel qu'il soit, puisse prendre un virage aussi radical du jour au lendemain? Personne n'en demande autant.
En fait, le protocole de Kyoto encourage les pays signataires à imaginer des approches diversifiées pour atteindre la cible, dont le recours à des mécanismes on ne peut plus capitalistes, comme la création de Bourses d'échange de crédits d'émissions (dite Bourse du carbone). Il y a quelques jours, un regroupement de grandes entreprises, dont certains grands pollueurs comme les centrales thermiques, faisait parvenir une lettre au premier ministre Harper l'invitant à créer chez nous un tel marché du carbone qui pourrait s'intégrer au marché mondial en pleine expansion. Mais pour pouvoir engranger des crédits négociables un jour, encore faut-il que chacun connaisse la cible qu'il lui faudra dépasser dans les délais prescrits. Or le gouvernement conservateur refuse toujours de jouer ce jeu, et ce qu'il s'apprête à annoncer ne permettra d'atteindre aucun des objectifs de Kyoto, ni d'ici 2012, ni même plus tard. Pourtant, il suffirait de se donner enfin un programme cohérent et quelques années supplémentaires, au besoin, pour lancer le pays dans cette course aux nouvelles technologies plus performantes dont nous sommes cruellement absents.
Plus le temps passe, plus il devient évident que le Canada ne sera pas en mesure de respecter sa signature. C'est donc par l'absurde que le gouvernement Harper, après ceux de Paul Martin et de Jean Chrétien, est en train de nous faire la preuve qu'il avait raison.
j-rsansfacon@ledevoir.com
L'offensive anti-Kyoto
Le ministre de l'Environnement, John Baird, joue le jeu des sociétés pétrolières de l'Ouest qui refusent de reconnaître l'évidence du réchauffement de la planète pour empocher le plus de profits possible à court terme.
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