En présentant son nouveau conseil des ministres, le premier ministre Jean Charest a donné un mandat prioritaire à la femme forte de son gouvernement, Monique Jérôme-Forget: vous réduirez les impôts de tous les Québécois, lui a-t-il ordonné, en particulier ceux de la classe moyenne. Voilà qui a le mérite d'être clair. On ne sait pas de combien ni à quel rythme les impôts diminueront, mais s'il respecte ses engagements de campagne, le gouvernement visera la cible de 950 millions de dollars par année.
La somme est considérable. Elle représente 2 % de l'impôt des particuliers. Une telle ponction serait évidemment rendue possible par la hausse des transferts fédéraux annoncée dans le dernier budget Flaherty. Soit dit en passant, on ne connaît toujours pas l'impact précis de cette annonce d'Ottawa sur les revenus du Québec puisque le ministère provincial des Finances refuse toujours, un mois après le budget, de nous fournir ces chiffres.
Personne ne niera que les Québécois paient plus d'impôt que la majorité des Canadiens. Cet écart défavorable aux contribuables à revenus moyens et élevés fait peser sur leurs épaules un poids d'autant plus lourd que les Québécois se sont offert une gamme de services publics plus étendue qu'ailleurs. On pense par exemple aux garderies à 7 $ par jour, aux congés parentaux, à l'assurance médicaments, aux collèges gratuits et aux universités peu coûteuses.
Cela étant, tout en admettant que M. Charest puisse difficilement se permettre de renier une fois de plus ses promesses de baisses d'impôt, la question de leur pertinence se pose toujours avec autant d'acuité. C'est sympathique d'ajouter de nouveaux programmes tous les quatre ans, mais encore faut-il maintenir une qualité satisfaisante par la suite. En santé, le Québec dépense l'équivalent de trois milliards de moins par année que les autres provinces en moyenne: les soins à domicile sont insuffisants, l'attente pour une intervention chirurgicale est excessive, le manque de personnel est flagrant et les équipements sont souvent vétustes. En éducation, nos universités accusent un retard menaçant, les commissions scolaires ne parviennent même pas à entretenir les écoles et le manque de spécialistes alourdit la tâche des enseignants. Et que dire de l'état des infrastructures en général, routes, ponts, aqueducs? Cette semaine encore, la Commission scolaire de Montréal a finalement obtenu l'autorisation d'emprunter des millions uniquement pour réparer les écoles les plus sinistrées. A-t-on idée d'une telle gestion à la petite semaine qui conduit à faire payer par la prochaine génération les réparations urgentes de nos écoles? Le Tiers-Monde!
Si les impôts des Québécois sont plus élevés, c'est aussi parce que le chômage est plus élevé, que le vieillissement de la population est plus accentué et que les revenus de ceux qui travaillent sont inférieurs à la moyenne canadienne. À moins d'éliminer certains services publics ou de se résigner à les voir se détériorer, c'est là qu'il faut dépenser l'argent neuf des transferts fédéraux. Le déséquilibre fiscal, ce n'était pas un bluff mais une revendication légitime pour rattraper les retards du Québec dans plus d'un secteur. M. Charest le sait. On ne lui pardonnerait pas de profiter de la présence de l'ADQ pour feindre l'ignorance.
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