À moins d'un miracle ou d'une catastrophe économique, le Canada ne tiendra pas son engagement international de réduction de GES. Au contraire, nous avons tous, collectivement, augmenté nos émissions de GES, tant au Québec que dans le reste du Canada. Si le Québec fait meilleure figure, ce n'est que grâce à l'Alberta, qui brûle sans réserve son gaz naturel et son charbon, pour nous fournir du pétrole et s'alimenter en électricité.
Notez ce paradoxe: alors que le Canada est le second producteur mondial d'hydroélectricité (juste derrière la Chine depuis 2005), non seulement l'Alberta mais aussi l'Ontario et la Saskatchewan doivent brûler du charbon pour produire leur électricité, parce que leurs voisins (Colombie-Britannique, Manitoba, Québec) préfèrent garder «leur» hydroélectricité. Comme le prix de l'hydroélectricité y est beaucoup plus bas, il s'en consomme beaucoup plus... et cela contraint les provinces sans ressources hydrauliques à utiliser le pire des combustibles d'un point de vue environnemental, le charbon.
John Baird a beau clamer que le Canada ne fera pas d'efforts de réduction de GES avant que les États-Unis, la Chine et l'Inde ne s'y mettent aussi, le véritable problème ne se trouve absolument pas là. Tout le monde sait qu'être un leader est payant et que blâmer les retardataires n'est pas une stratégie gagnante. Le Canada aurait ainsi tout intérêt à être une tête de file, comme la Norvège ou la Suède - qui ont plus d'un point en commun avec nous (production d'énergie, nordicité, amateurs de bière et de hockey... mais proactifs sur les GES). Le véritable problème, que John Baird ne peut pas mentionner sous peine de mettre fin à sa carrière politique, c'est que réduire les émissions de GES demanderait des efforts. Des changements individuels et collectifs, en ce qui concerne les modes de transport, les prix de l'énergie, mais aussi nos politiques agricoles. Réduire les GES implique moins d'automobiles sur les routes et plus de transports collectifs. Réduire les GES implique une taxe sur les émissions de GES et de faire converger les prix de l'électricité, en permettant aux producteurs d'hydroélectricité d'exporter davantage, pour réduire le recours au charbon. Réduire les GES implique moins de subventions - voire aucune subvention - pour l'élevage de bétail (boeuf, porc, etc.), responsable de 18% des émissions de GES sur la terre. Bref, réduire les GES demande de changer. De modifier nos comportements, faire évoluer l'«american way of life», mais aussi la nôtre, au Québec et au Canada. Et cela, les Canadiens et les Québécois ne semblent pas prêts à l'entendre, à le faire et à voter pour. Nous réclamons plus de ponts et de routes - nous achetons plus de voitures, et des plus grosses. Nous refusons catégoriquement de revoir la tarification de l'électricité. C'est à peine si nous admettons que l'élevage de bétail émet des GES (sans parler des autres types de pollution et des problèmes de santé publique).
À Bali, ce n'est pas un refus de réduire les émissions que Baird va annoncer, mais notre refus collectif d'accepter le changement. Aucun parti politique (sauf le Parti vert, maladroitement) ne propose de vrais changements, parce que la population semble très peu prête à quitter son confort actuel. Mais si nous ne faisons pas ces changements, qui nous rendraient par ailleurs plus efficaces, les changements viendront à nous. Et au lieu d'être à l'amélioration, le climat oscillera entre l'adaptation et la débandade - sans cette possibilité que nous avons encore de changer le cours des choses.
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Pierre-Olivier Pineau
L'auteur est professeur agrégé à HEC Montréal.
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Au-delà de Bali
À Bali, ce n'est pas un refus de réduire les émissions que Baird va annoncer, mais notre refus collectif d'accepter le changement
De Kyoto à Bali
Pierre-Olivier Pineau13 articles
L’auteur est professeur agrégé à HEC Montréal
Il organise, le lundi 20 octobre prochain, le colloque l'Énergie et le développement durable ([http://blogues.hec.ca/gridd->http://blogues.hec.ca/gridd]).
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