Faut-il vendre l'électricité au prix de marché?

17. Actualité archives 2007


Alcan a fait les manchettes ces dernières semaines pour ses projets au Québec et en Colombie-Britannique. Une nouvelle usine de 550 millions à Jonquière (pour un investissement de 1,8 milliard sur 10 ans) et une modernisation de ses installations à Kitimat, pour presque deux milliards aussi. Une différence majeure entre les deux projets, c'est qu'au Québec Alcan achète son électricité à Hydro-Québec tandis qu'en Colombie-Britannique elle possède ses propres installations hydroélectriques et vend ses surplus à BC Hydro. Lorsque Alcan est acheteuse, elle négocie des prix si bas que les économistes crient à la subvention, tandis que quand Alcan est vendeuse, elle négocie des prix de marché pour ses surplus près du double que le prix qu'elle paye quand elle achète l'électricité!
Cette situation met en relief le paradoxe dans lequelle nous nous plaçons en utilisant différents principes pour tarifer un même produit. D'un côté, on réglemente le prix pour le vendre au prix coûtant (ou même moins), d'un autre il existe des acheteurs qui sont prêts à payer le double. Il est alors difficile pour ceux qui ont accès à de l'électricité "pas chère" de l'utiliser au mieux de son potentiel, parce que d'autres personnes la valorisent davantage. S'ils peuvent la revendre, ils vont le faire mais ils ne veulent pas le faire à rabais! C'est ce qu'Alcan fait en Colombie-Britannique et c'est ce qu'elle ferait au Québec si Hydro-Québec lui laissait revendre son électricité.
La question se pose de savoir pourquoi nous ne vendons tout simplement pas toujours l'électricité au prix de marché. Alcan dit que ses actionnaires n'accepteraient pas de vendre leur électricité moins chère que le prix de marché à BC Hydro. Au Québec, les actionnaires d'Hydro-Québec devraient suivre la même logique et ne pas accepter de vendre leur électricité moins chère que le prix de marché! Alcan et les autres consommateurs d'électricité ne seraient pas très contents, mais la société québécoise serait gagnante parce que la ressource serait utilisée selon la valorisation réelle des consommateurs. C'est d'ailleurs ainsi que l'essence et le gaz naturel sont vendus, bien qu'un prix pour les émissions de gaz à effet de serre reste encore à créer. L'environnement serait aussi gagnant parce moins de projets seraient nécessaires. Par ailleurs, étant donné la nature particulière de l'électricité et son rôle vital dans la société, un programme d'aide aux consommateurs à faible revenu devrait être créé simultanément. Celui-ci coûterait moins cher que les montants actuels auxquels nous renonçons en vendant l'électricité si peu chère au Québec, pour la plus grande partie à des consommateurs à revenu élevé.
Vendre l'électricité au prix de marché est la seule manière de redonner de la cohérence dans ce secteur: si Alcan peut se permettre de tenir un double langage, une société ne peut pas le faire. Le prix à payer à court terme ne devrait pas nous faire renoncer aux bénéfices globaux dont nous jouirions à long terme.
Pierre-Olivier Pineau

L'auteur est professeur agrégé à HEC Montréal.

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L’auteur est professeur agrégé à HEC Montréal

Il organise, le lundi 20 octobre prochain, le colloque l'Énergie et le développement durable ([http://blogues.hec.ca/gridd->http://blogues.hec.ca/gridd]).





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