Avant même que le projet de pipeline Énergie Est soit examiné par l'Office national de l'énergie, une controverse fait la manchette: les bélugas, une espèce menacée, seront-ils perturbés par les relevés géotechniques que TransCanada veut réaliser dans la région de Cacouna?
Ces travaux sont nécessaires pour l'éventuelle construction d'installations portuaires permettant de charger des pétroliers avec les hydrocarbures arrivant de l'Ouest canadien. S'il est difficile pour ceux qui ne sont pas spécialistes de la faune marine de trancher sur l'impact de ces travaux sur les bélugas, deux questions plus générales restent sans réponses. Et sans des réponses à ces questions, TransCanada ne se facilitera pas la vie dans l'acceptation sociale de son projet.
Ces deux questions sont toutes simples: est-ce que Cacouna est le meilleur site pour ce terminal maritime? Pourquoi faudrait-il ce terminal à Cacouna, alors que TransCanada en prévoit aussi un second?
TransCanada a choisi Cacouna pour une raison très simple: c'est le site de son projet (avorté) de terminal d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL). Tout comme Gaz Métro avec Rabaska, TransCanada et des partenaires avaient envisagé d'importer du GNL de Russie ou d'Algérie... jusqu'à ce qu'autour de 2009 tout le monde réalise l'ampleur de la production de gaz de schiste.
Avec ce «nouveau» gaz en Amérique du Nord, les importations de GNL n'avaient plus de sens. Maintenant, avec ce site déjà disponible, TransCanada ne s'est sans doute pas questionné sur la possibilité d'un meilleur site, moins controversé... hors de la route des bélugas, au nord. Comme le port Saguenay.
Un troisième projet de terminal de GNL, plus ambitieux encore que celui de Rabaska et de Cacouna, avait effectivement été envisagé par l'administration portuaire du Saguenay et Énergie Grande-Anse. Si ce projet a beaucoup moins fait parler de lui, il était différent parce qu'il émanait des communautés locales et s'appuyait sur la proximité d'infrastructures portuaires déjà existantes.
Les méthaniers qui étaient envisagés pour ce port étaient même plus gros que les navires que TransCanada considère pour Cacouna. En plus de ne pas affecter un habitat important des bélugas, si le nouveau pipeline de TransCanada s'arrêtait au Port Saguenay, il n'y aurait pas de traversée du Saint-Laurent - avec les craintes qu'une telle nouvelle construction pourrait susciter.
La seconde question à laquelle TransCanada pourrait répondre, si elle voulait augmenter ses chances de faire accepter son projet, c'est celle du dédoublement des terminaux maritimes. TransCanada envisage effectivement la possibilité de charger l'entièreté de la capacité du pipeline (1,1 million de barils par jour), non pas à un seul endroit, mais à deux: à Cacouna et à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Cela implique qu'en moyenne, ces terminaux maritimes ne seront utilisés qu'à 50% de leur capacité... sans qu'un avantage clair se dégage entre un navire partant de Cacouna ou de Saint-Jean. Si ce navire va à une raffinerie au Texas, ce n'est pas un départ d'un port ou de l'autre qui fera une grande différence. Par contre, si le pipeline s'arrêtait au Québec - TransCanada pourrait éviter 500 km de nouvelle construction.
Pourquoi TransCanada veut-elle construire plus de pipelines qu'il semble nécessaire? Pourquoi veut-elle doubler ses infrastructures de chargement? Pourquoi ne pas considérer un site qui semble moins controversé, au Saguenay?
Pour que le débat et les échanges sur ce grand projet de TransCanada puissent se faire sereinement, il serait bon que des réponses soient apportées. Elles sont complètement absentes de la documentation rendue publique jusqu'à ce jour.
Deux questions sans réponses
Silences coupables
Pierre-Olivier Pineau13 articles
L’auteur est professeur agrégé à HEC Montréal
Il organise, le lundi 20 octobre prochain, le colloque l'Énergie et le développement durable ([http://blogues.hec.ca/gridd->http://blogues.hec.ca/gridd]).
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