À Québec, depuis 2008, c’est presque du délire : la capitale est une succession sans fin d’«événements», de spectacles, de festivals, très souvent subventionnés. Attirent-ils autant de visiteurs étrangers que certains l’avaient promis ? Au reste, la ville doit-elle être considérée comme un parc d’attractions ? Non. Et ceux qui la voient ainsi semblent oublier, voire négliger, des dimensions essentielles.
Dans les cinq dernières années à Québec, nous apprenait Le Soleil récemment, la Ville a investi 39 millions de dollars pour financer quelques grands « événements », dont un spectacle gratuit du Cirque du Soleil (Les chemins invisibles), un grand prix cycliste et les rééditions du Moulin à images.
C’est beaucoup, 39 millions ; et c’est 11 de plus que ce que le maire Régis Labeaume avait promis. « Les commandites privées ont été moins importantes que prévu », a-t-on expliqué. On se souvient qu’à Québec, de plus petits dépassements de coûts avaient causé de bien grandes colères. La rénovation du Palais Montclam par exemple, salle de spectacle historique et édifice crucial au Vieux-Québec. Le dépassement avait été évalué à quelque 4 millions de dollars. Dommage. Mais, aujourd’hui, on peut au moins voir, place D’Youville, s’élever une salle à l’acoustique exemplaire où se produisent de grands musiciens.
Qu’ont construit les 39 millions dépensés dans le festif-événementiel ? Des retombées, rétorquera-t-on. En effet. Mais difficiles à chiffrer ; les études en ces matières sont rarement faites en toute indépendance. On nous promettait un déferlement de touristes étrangers. Cinq ans plus tard, on se rend compte que ce n’était que du vent. Un sondage cité par Le Soleil a montré que 97 % des spectateurs (dont 100 % des étrangers) seraient venus à Québec même s’il n’y avait pas eu de spectacle.
Si de nombreux touristes font de Québec une destination, c’est, comme le maire Labeaume l’a bien dit récemment, parce qu’ils viennent voir « l’Europe en Amérique ». De la part du premier magistrat, il y a là une conversion intéressante, mais bien tardive. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il n’en avait que pour le « rajeunissement » ; l’appellation « Vieille Capitale » devait être bannie ; le Château Frontenac ne devrait plus symboliser la ville. Il fallait refaire la « marque » de Québec, ce qui a conduit le maire à embaucher, à plus de 200 000 $, le ridicule Clotaire Rapaille. En vain, totalement.
Entre-temps, on l’a oublié, mais M. Labeaume avait mis abruptement fin au projet de mise en valeur de « l’îlot des Palais » cher à sa prédécesseure, Andrée Boucher, et que les gouvernements du Québec avaient appuyé. L’argument de M. Labeaume : il y avait dépassement de coûts et le privé ne s’était pas assez impliqué ! Depuis, le site archéologique est ensablé ! Coût : 3 millions de dollars, au moins. Pourtant, c’est là un des endroits cruciaux de la Nouvelle-France, celui du Palais de l’intendant. Depuis 1982, les archéologues ont « relevé non moins de huit périodes d’occupations superposées, s’étalant sur […] plus de trois siècles », selon L’Encyclopédie canadienne. Trop cher, ce projet ? Quarante millions, soit à peu de chose près le montant investi dans les « grands événements »…
Si les touristes viennent d’abord et avant tout voir les vieilles pierres à Québec, ne serait-il pas logique d’en prendre soin au maximum ? Des efforts sont déployés, certes, mais demeurent insuffisants. Au reste, il faut faire en sorte que les vieux quartiers redeviennent vivants, habités par des résidants, non pas uniquement par des événements. Pour ce faire, il faudrait y diminuer la pression du « festif-événementiel » et maintenir, aider, encourager, les institutions et les services essentiels à cette vie urbaine agréable et riche que le Vieux-Québec peut offrir.
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