Dans un monde déserté par l’espérance politique, avec l’effondrement des idéologies classiques au début des années quatre-vingt-dix, à l’échelle planétaire, la gauche est restée orpheline, un peu désemparée, comme ce Petit Poucet perdu dans l’immense forêt.
Retrouver son chemin, surtout se redéfinir, a été l’un de ses principaux défis après l’effondrement du bloc de l’Est. Dépendamment du contexte politique, d’un pays à l’autre, certains partis de gauche ont réussi leur mutation, d’autres un peu moins. Certains autres ont carrément disparu.
De gauche, certainement. Opposée à l’islamisme, fondamentalement
Je me souviens avoir participé, en Algérie, à de passionnantes discussions sur une nouvelle façon d’appréhender le monde. Un peu fêlés, de doux rêveurs, je me trouvais parmi des militants engagés, certains brillants, des gens de tous les horizons qui nous entretenaient d’économie, de théâtre, de philosophie, d’histoire, de culture, d’éducation, du mouvement syndical et des droits des femmes, entre autres thèmes. Nous cherchions ensemble, femmes et hommes, inlassablement, une façon de sortir des terribles paradoxes de notre époque et surtout une perspective d’émancipation à offrir aux classes populaires et moyennes.
J’étais de gauche (je le suis toujours, d’ailleurs) et je venais d’une famille de gauche (qui l’est restée aussi).
Puis, l’islamisme est arrivé. Notre cercle s’est rétréci petit à petit. Certains de mes camarades ont disparu. Les discussions ont pris le bord. Notre souci premier à nous les survivants, c’était de sauver notre peau.
Toute ma vie durant, je suis restée attachée aux grands idéaux de la gauche et viscéralement opposée à l’islamisme, mouvement antidémocratique fondé sur la violence et la haine de l’autre.
C’est ce qui me distingue d’une certaine gauche altermondialiste qui, fascinée par la capacité de mobilisation des mouvements islamistes d’abord à travers la Révolution iranienne de 1979 puis, dix ans plus tard en Algérie, s’est jetée dans les bras de ce monstre, les yeux fermés. Cette alliance a véritablement pris forme, en Europe, au tournant des années 2000.
L’antiracisme, le bon filon
Aujourd’hui encore, au Québec, cette gauche compassionnelle sert de roue de secours à Charkaoui. La niche est toute trouvée : le Collectif québécois contre l’islamophobie.
Le raisonnement est trivial : si vous êtes contre Charkaoui, vous êtes contre les musulmans. Si vous êtes contre les musulmans, vous êtes, donc, racistes!
Eureka!
L’antiracisme est toujours un bon filon lorsqu’on est de gauche. Le seul hic de cette démarche est qu’elle prend en otage l’ensemble des musulmans. Maalich (tant pis, en arabe). Il est bien connu que dans cette communauté chacun appartient à tous et tous appartiennent à chacun. D’après ces beaux esprits, on vit comme dans un troupeau. C’est ça?
Pendant ce temps-là, le prédicateur d’origine marocaine, lui, investit un autre créneau : celui de sa militance islamiste à travers son Centre communautaire islamique Assahaba et ses mille et une activités.
C’est beau la solidarité islamo-gauchiste! Et la division sociale du travail.
Le Collectif agite l’« islamophobie », comme un chiffon rouge, pour assimiler toute critique de l’islamisme et de l’islam – qui relève de la liberté d’expression et du débat démocratique – à une stigmatisation des musulmans.
Dans les faits, cet organisme va surtout permettre au prédicateur et à ses acolytes d’intimider, de menacer et de jeter à la vindicte populaire des personnalités publiques connues pour leur opposition aux islamistes. J’ai personnellement fait les frais de tels agissements, notamment pendant la dernière campagne électorale lorsque ce Collectif a organisé une pétition pour me destituer d’un droit constitutionnel, celui de me porter candidate aux élections. Au même moment, Charkaoui faisait la promotion d’un chaud partisan du djihad. Décidément, ce dernier, ne comprend pas le b-a ba de la démocratie. Où sont donc passés les réflexes « humanistes » de ses amis de gauche pour lui en expliquer le modus operandi?
Des chercheurs au service de Charkaoui
Certains sont occupés à intellectualiser ses thèses les plus farfelues. Siegfried L. Mathelet, chargé de cours à l’UQAM, est du nombre. Celui qui s’est beaucoup impliqué dans le Collectif (et qu’on voit sur la vidéo aux côtés de Charkaoui) écrivait ceci en mars dernier: « En effet, un sondage CROP-Radio-Canada révèle que 53 % des Québécois accréditent l’idée d’une menace intégriste au Québec. Une menace dont l’ampleur est pourtant démentie par les faits. D’après le chercheur Frédéric Castel, Montréal serait plutôt la ville présentant le plus faible taux d’intégrisme en Occident. »
Tiens, tiens…
Frédéric Castel, c’est ce chargé de cours à l’UQAM, l’un des pivots de l’émission Enquête de Radio-Canada consacrée soi-disant à l’intégrisme musulman, l’automne dernier, qui nous conseillait, voilà à peine quelques mois, de continuer de dormir sur nos lauriers parce que l’intégrisme c’est loin, loin, loin là-bas, quelque part en Syrie ou en Irak mais pas à Montréal, tout de même.
Zzz… Continuez de roupiller !
L’Histoire est une tragédie qui s’achève en farce. L’intégrisme, c’est un fantasme, le mien probablement. Le vôtre, certainement, aussi. Des fois, je me demande vraiment à quoi ça sert d’aller à l’université. Remarquez que j’y retourne, à chaque semaine, avec enthousiasme et fébrilité.
Vendredi, ma dernière contribution de la série: Charkaoui, le trublion des causes multiples (III)
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8 commentaires
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
20 mars 2015Avons-nous remarqué qui Martin Matte (dans "Les beaux malaises) emploie pour jouer sa femme de ménage immigrée du Maghreb, qu'il appelle Fatima?... Justement, une humoriste débridée, féministe libérée, qui trouve les Québécois assez roses pour porter le voile! Elle avait appelé avec toute son audace son premier show "Arabe et cochonne"! C'est bien sûr, Nabila Ben Youssef... devenue (ou redevenue) comédienne: Bravo Nabila.
Archives de Vigile Répondre
20 mars 2015Ne nous leurrons pas, le mot "islamophobie" est devenu le paravent, l'effrayeur à moineaux au même titre que "l'antisémitisme" pour la communauté juive. Ces deux mots servent, à l'évidence, à masquer tous les détournements et saletés de ces deux communautés et nous, un peu gagas, nous nous sentons coupables, sentiment issu de notre inconscient collectif, la peur de l'enfer. Continuez Mme. Benhabib, vous êtes souteneu par une partie de la population de plus en plus grande.
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
5 mars 2015Video non disponible... Djemila, vous ne l'aurez jamais facile. Et pourtant, on vous en demande toujours plus. Vous êtes dans le colimateur d'assassins, et pourtant, vous restez libre de parole. Mme Dussault a voulu paraître neutre en vous invitant, mais elle voulut vous prêter un discours... vous avez refusé carrément la thèse "Québécois racistes": le centre communautaire de la rue Grosbois. Était-ce une rare ouverture dans les Grands médias? On vous rencontre surtout en assemblées restreintes... Tant mieux si ça vous garde des fanatiques, prolonge votre plume phare... Nouvelle tentative électorale? Trop risqué. Le Québec est un château de cartes.
Archives de Vigile Répondre
5 mars 2015Notons aussi Gérard Pelletier, une des trois colombes avec Trudeau: http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Pelletier_(journaliste)
Le clan Pelletier semble bien attaché à la mamelle libérale fédérale.
Notons aussi que Gérard Pelletier a eu un fils prénommé Jean.
Archives de Vigile Répondre
4 mars 2015C'est toujours un plaisir de vous lire Mme Benhabib. Il semble que vos efforts commencent à porter fruit.
Aujourd'hui dans le Devoir, deux textes en opposition:
1- La chroniqueuse Francine Pelletier (tien, tien, un autre Pelletier!) qui dénonce vigoureusement la juge qui a refusé le port du hidjab dans sa cour de justice.
2- Victor Lévy-Beaulieu qui soutien que la juge a tout à fait raison de défendre le décorum de la cour.
Ces textes ont fait jaser dans les chaumières. Au total, ces deux textes on engendré 130 commentaires (75+55).
Au pif, je dirais qu'environ 95% des commentaires sont contre Mme Pelletier, et appuient VLB.
Pour les lecteurs du Devoir, les multiculturaleux sont de plus en plus isolé. La population est rendu ailleurs. Ils ne suivent plus leurs "élites", et n'en sont aucunement complexés.
Tout cela, c'est un peu, pas mal, de votre faute, Mme Benhabib. Merci.
P.S: Avez-vous considéré de vous présenter pour le Bloc Québécois pour l'élection d'Octobre 2015? Ne serait-ce que pour faire baver Charkaoui.
Archives de Vigile Répondre
4 mars 2015@M. Ratté:
Savez-vous s'il y a un lien entre votre Jean Pelletier et le Jean Pelletier, chef du cabinet de Jean Chrétien, et impliqué jusqu'aux oreilles dans le scandale des commandites: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pelletier
De par leur famille politique, on pourrait quasiment les qualifier de père et fils.
DENIS RATTÉ Répondre
4 mars 2015Mme Benhabib
Avez - vous pris connaissance des liens familiaux qui existent entre la famille DAVID Françoise (QS) et Hélène(PLQ ) et l émission enquête de Radio- CANADA
Le mari d Hélène est Jean Pelletier le créateur de l émission , et le recruteur d Alain Gravel !!! laissons parler le pedrigree ::Nommé premier directeur, contenus, affaires publiques, reportages et documentaires du Service de l’information de la Télévision de Radio-Canada en janvier 2005, Jean Pelletier a été rédacteur en chef du magazine « Le Point » de 1992 à 1997 et du « Téléjournal » de 1995 à 1997, puis directeur des nouvelles jusqu’en janvier 2003, alors qu’il devient directeur du service des Grands reportages et documentaires.
Auparavant, Jean Pelletier a été notamment journaliste au Devoir, correspondant à Ottawa et à Washington pour La Presse, correspondant national de la Télévision de Radio-Canada, et chroniqueur au Journal de Montréal. En 1980, il a remporté le National Newspaper Award.
C’est le boss d’Enquêtes, il fallait le voir l’an dernier avec Alain Gravel paradé pour recevoir un prix.
Jean Pelletier, est donc marié avec la sœur de Françoise !!!
Et que dire de leur frère ::: Quelle chaîne a comme chroniqueur Louis-Philippe David, le frère de Francoise et Hélène David? Réponse Radio-Canada
Suite à ces informations ., comment demeuré surpris de tout l espace médiatique qui leur est accordé !!! Et puisque souvent :: CECI EXPLIQUE CELA
Au moment de l attaque des Libéraux contre Pierre Karl Péladeau , au sujet de l influence de Québecor Média sur la politique au Québec ...
Le Parti Québecois avait alors proposé ., d élargir le mandat du Centre d étude ., pour y inclure l influence de la Société Radio-canada et de GESCA sur la Politique au Québec_
Québec Solidaire ( de gauche ) avait là l occasion parfaite de faire l examen de l influence indue des Médias Fédéralistes (de droite) que sont GESCA et Radio-canada
Et là ., ils ont plutôt choisis encore une fois de s allier aux Libéraux et à la CAQ !!! Aux Québecois d en tirer les conclusions qui s imposent !!!!
Bien a vous, Denis Ratté
Archives de Vigile Répondre
4 mars 2015Me Djemila Benhabib,
J'espère de tout mon cœur que vous n'avez pas fait un trait sur la politique, car plusieurs espèrent vous y revoir bientôt! Vous êtes une source d'inspiration et un modèle de rigueur et très aimable. Encore une fois un papier intéressant et pédagogique à la fois.
Au plaisir de vous lire et vous entendre le plus souvent possible.
Merci!