La Cour suprême de Gibraltar a prolongé vendredi de 14 jours l'immobilisation d'un pétrolier iranien, malgré l'appel de Téhéran à relâcher «immédiatement» le navire qui est soupçonné de livrer du brut à la Syrie en violation des sanctions européennes.
L'Iran n'a pas précisé l'origine du pétrole transporté ni la destination du navire Grace 1 arraisonné jeudi au large du territoire britannique de Gibraltar, à l'extrême sud de l'Espagne, à la suite d'une demande des États-Unis selon les autorités espagnoles.
Le gouvernement de Gibraltar a affirmé avoir agi de son propre chef. «Il n'y a eu aucune demande politique à aucun moment de la part d'aucun gouvernement», a-t-il dit. La décision a été prise «sur la base de la violation des lois existantes et non sur la base de considérations politiques étrangères».
Le pétrolier sera immobilisé jusqu'au 19 juillet, a annoncé le procureur général du territoire britannique.
La police et les douanes du «Rocher», assistées d'un détachement de la Marine royale britannique, ont arraisonné le navire qui ralentissait dans une zone utilisée pour se faire ravitailler et considérée par Gibraltar comme faisant partie des eaux territoriales britanniques, selon les autorités de ce territoire. Ce qui est contesté par l'Espagne qui en revendique la souveraineté.
A Téhéran, les autorités ont demandé, lors d'une convocation de l'ambassadeur britannique Rob Macaire, la «libération immédiate» du pétrolier et jugé «inacceptable» son interception «étant donné qu'il a été saisi à la demande des États-Unis, selon les informations actuellement disponibles».
«Insistant sur le fait que le pétrolier croisait dans les eaux internationales», la diplomatie iranienne a dénoncé un acte de «piraterie» et affirmé que Londres «n'avait aucun droit d'imposer ses propres sanctions unilatérales ou celles de l'Union européenne (UE), de façon extraterritoriale contre les autres pays».
«Politique brutale»
Ce comportement est «absolument identique à la politique brutale des États-Unis contre laquelle les pays européens ont toujours protesté», a dit le ministère iranien, alors que Téhéran et Washington sont engagés dans un bras de fer depuis des mois.
L'arraisonnement du pétrolier est une «excellente nouvelle», a commenté le conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton, sans confirmer que les États-Unis avaient fait une demande en ce sens.
Dans un message sur Twitter repris par l'agence de presse Mehr, le secrétaire du Conseil de discernement - un poste clé du système politique iranien - Mohsen Rezaï, évoque la possible nécessité pour l'Iran d'agir en représailles contre les Britanniques.
«Si la Grande-Bretagne ne relâche pas le #pétrolier_iranien, il est du devoir des autorités responsables d'agir réciproquement et d'intercepter et de saisir un pétrolier britannique», a-t-il averti.
Environ le tiers du pétrole brut acheminé par voie maritime transite par le Golfe, dont l'Iran se considère comme le gardien.
L'arraisonnement du navire est intervenu quelques jours après l'annonce du dépassement par Téhéran de la limite imposée à ses réserves d'uranium faiblement enrichi par l'accord international sur son programme nucléaire, conclu en 2015, et sur fond de tensions exacerbées avec Washington qui font craindre un embrasement dans la région du Golfe.
«Violation des sanctions»
L'équipage du navire, qui avait quitté les Émirats le 13 mai et est stationné à l'est de Gibraltar, a été interrogé par les autorités du territoire britannique.
Londres a «salué une action ferme des autorités de Gibraltar qui ont agi pour faire respecter le régime européen de sanctions à l'encontre de la Syrie».
Le ministère russe des Affaires étrangères a condamné de son côté dans un communiqué «cette action planifiée de longue date», estimant qu'elle «visait à compliquer davantage la situation autour de l'Iran et de la Syrie».
Gibraltar n'a pas précisé l'origine du pétrole, mais selon la publication spécialisée dans le transport maritime Lloyd's List, ce pétrolier aurait chargé en Iran en avril et a été intercepté alors qu'il faisait route vers la Syrie, pays en guerre depuis 2011.
«Nous avons des raisons de croire que le Grace 1 amenait sa cargaison de pétrole brut à la raffinerie de Banias en Syrie, propriété d'une entité sujette aux sanctions de l'UE contre la Syrie» et agissait «en violation» de ces sanctions, a indiqué le chef du gouvernement de Gibraltar, Fabian Picardo.
Depuis 2011, la Syrie, où le régime de Bachar al-Assad jouit du soutien crucial de l'Iran dans le conflit, est la cible de sanctions internationales, qui touchent notamment son secteur pétrolier.
En 2018, le Trésor américain a menacé de sanctions les personnes ou sociétés livrant des produits pétroliers au régime syrien. Damas a ensuite indiqué que les livraisons de pétroliers iraniens avaient cessé.