Le rythme d’anéantissement des espèces vivantes sur Terre est tel que l’humanité est en train de provoquer la sixième extinction de masse de l’histoire de la planète, conclut une nouvelle étude scientifique internationale. Les chercheurs préviennent d’ailleurs qu’il reste de moins en moins de temps pour éviter une catastrophe qui aura des effets dévastateurs pour la vie humaine.
« Nos estimations révèlent un recul exceptionnellement rapide de la biodiversité au cours des derniers siècles, ce qui indique qu’une sixième extinction de masse est en cours », constatent les auteurs de cette étude publiée vendredi dans Science Advances, un périodique produit par l’Association américaine pour l’avancement des sciences.
« Notre analyse insiste sur le fait que notre société a commencé à détruire les espèces des autres organismes vivants à un rythme accéléré, amorçant ainsi un épisode d’extinction massive sans précédent depuis 65 millions d’années. » Lors de cette cinquième extinction de masse, ce sont les dinosaures qui ont été rayés de la carte, probablement en raison de la collision d’une météorite avec la Terre.
Aujourd’hui, c’est toutefois l’être humain qui est responsable de cet anéantissement mortifère, insistent les chercheurs. Ils ont ainsi évalué que le taux dit « naturel » de disparition des espèces de vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons) est de deux espèces par siècle pour un échantillon de 10 000 espèces. L’analyse des données historiques et actuelles sur les vertébrées indique toutefois que ce taux est de 25 à 100 fois plus élevé, selon le type de vertébré.
Concrètement, sans intervention humaine, un total de neuf espèces auraient disparu depuis 1900. Mais les données scientifiques ont recensé pas moins de 477 disparitions d’espèces depuis le début du XXe siècle. On y retrouve 158 espèces de poissons, 146 espèces d’amphibiens, 80 espèces d’oiseaux et 69 espèces de mammifères. L’étude souligne d’ailleurs que si le taux « naturel » d’extinction prévalait, il aurait fallu « plusieurs millénaires » pour voir disparaître autant d’espèces.
« C’est très déprimant parce que nous avons utilisé les taux les plus modérés, mais malgré cela, ils sont beaucoup plus élevés que le taux normal d’extinction, fait valoir Gerardo Ceballos, coauteur de l’étude. Cela nous indique que nous assistons à des pertes massives d’espèces. »
Impact humain
Preuve « irréfutable » de l’impact de l’activité humaine sur le recul abrupt de la biodiversité terrestre, les chercheurs notent que « les taux d’extinction ont augmenté significativement au cours des 200 dernières années, ce qui correspond à la montée de la société industrielle ».
La vaste majorité des disparitions dûment répertoriées depuis 1500 ont eu lieu depuis 1900. Cette très brève période de l’histoire a été marquée par une croissance sans précédent de la population mondiale, qui va de pair avec une hausse significative de la consommation et de la destruction des milieux naturels. Ce dernier phénomène se poursuit d’ailleurs toujours inexorablement. En fait, au rythme où l’humanité détruit les zones naturelles pour faire davantage de place à l’agriculture, près de 10 millions de kilomètres carrés de ces terres disparaîtront d’ici 2050, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement.
Il est vrai que la croissance de l’empreinte écologique de l’humanité est constante. Ainsi, chaque année, le monde consomme des ressources équivalant à 150 % de ce que la planète est en mesure de produire sur une base annuelle. Plus de 80 % de la population mondiale vit dans des pays qui utilisent plus que ce que leurs propres écosystèmes peuvent renouveler. Si tous les humains consommaient comme les Canadiens, il nous faudrait l’équivalent de trois planètes et demie pour assurer notre subsistance.
Pertes permanentes
Le recul de la biodiversité est un des problèmes environnementaux les plus critiques puisqu’il menace directement les « services » que les écosystèmes rendent à chaque instant à l’humanité, rappelle en outre l’étude. « Si le niveau actuel d’extinction se maintient, les humains seront bientôt [dans aussi peu de temps que l’équivalent de trois durées de vies humaines] privés de plusieurs bénéfices tirés de la biodiversité, concluent justement les scientifiques. À l’échelle humaine, ces pertes seront permanentes, parce qu’à la suite des extinctions de masse, le vivant a besoin de centaines de milliers, voire de millions d’années pour se régénérer. »
Selon les chercheurs, il est certes toujours possible d’éviter le pire en mettant en place « des efforts intensifs de conservation », mais « les chances d’y parvenir s’amenuisent rapidement ».
Il faut dire qu’en plus de la destruction des habitats et les problèmes de pollution, les espèces vivantes sont de plus en plus aux prises avec les impacts des bouleversements climatiques. D’après les conclusions d’une étude britannique publiée dans la revue Nature Climate Change, quelque 55 % des plantes et 35 % des animaux devraient voir l’espace propice à leur existence réduit de moitié d’ici 2080 à cause du réchauffement climatique, si la tendance actuelle se poursuit.
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