AU QUÉBEC

Le lobby des pipelines plus actif que jamais

Pas moins de 75 lobbyistes plaident pour les projets d’Enbridge et de TransCanada

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No pasaran !

Preuve de l’engouement sans précédent envers les projets de pipelines, les efforts de lobbying liés à cette industrie sont plus significatifs que jamais au Québec. Le Devoir a recensé plus de 75 lobbyistes ayant des mandats qui incluent des démarches en faveur de ce mode de transport de pétrole. Il s’agit d’un nombre plus important qu’au plus fort du débat sur le gaz de schiste, ou encore que le lobby des partisans de l’exploitation pétrolière.

Sans surprise, TransCanada est l’entreprise la plus présente au Registre des lobbyistes, avec 18 noms inscrits. Deux de leurs mandats sont d’ailleurs directement en lien avec le projet de pipeline d’exportation Énergie Est. Ceux-ci incluent des démarches « afin que les orientations prises par le gouvernement provincial et les instances municipales soient favorables au développement du projet de pipeline interprovincial […] ».

La pétrolière souhaite aussi que soit établi « un cadre de processus volontaires de consultation publique et d’autorisations adaptés à ce projet ». Un autre mandat comprend des démarches dans le but d’utiliser « à des fins autres que l’agriculture » des lots en zone agricole « pour l’installation et l’exploitation d’un pipeline au Québec ». Un total de 13 ministères, mais aussi le « cabinet du premier ministre », des MRC et des municipalités sont visés par les mandats de lobbying.

En plus de ses 18 lobbyistes, TransCanada a mandaté un total de sept lobbyistes-conseils, donc rémunérés, pour plaider sa cause auprès des élus. Cinq d’entre eux ont pour mandat d’effectuer des démarches « afin qu’une orientation soit prise dans le but d’obtenir l’appui du gouvernement du Québec quant à l’acceptabilité sociale des projets de pipelines de gaz naturel et de pétrole au Québec ».

D’autres démarches visent l’obtention de « certificats d’autorisation » en vue de travaux de « déboisement » et dans des « cours d’eau », mais aussi « afin d’effectuer des sondages géotechniques, des relevés sismiques et autres travaux préliminaires […] ». Selon ce qu’annonçait la semaine dernière le gouvernement Couillard, Québec entend justement répondre à cette demande de TransCanada en guise de première étape de l’étude du pipeline Énergie Est qui sera menée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.

Acceptabilité sociale

Une autre pétrolière albertaine, Enbridge, a huit lobbyistes inscrits au registre québécois. Leurs quatre mandats sont liés à l’inversion prochaine du flux dans le pipeline 9B et visent des municipalités ainsi que différents ministères. Les lobbyistes doivent notamment « répondre aux demandes d’information de la part des titulaires de charges publiques, et ce, dans le but de favoriser le processus d’acceptabilité sociale du projet ». Deux lobbyistes-conseils rémunérés ont le même mandat.

Il faut dire que contrairement au projet Énergie Est, celui d’Enbridge — qui acheminera 300 000 barils de brut au Québec chaque jour — doit se concrétiser très prochainement. Les deux raffineries du Québec, qui comptent utiliser ce pétrole canadien, ont d’ailleurs inscrit des mandats de lobbying en ce sens.

Dans le cas de la raffinerie de Valero, qui a 13 lobbyistes inscrits, un mandat évoque des démarches « effectuées auprès de détenteurs de charges publiques concernés afin de susciter une orientation favorable de la part du gouvernement du Québec » dans le dossier de l’inversion. Un lobbyiste-conseil doit en outre « expliquer les conséquences que pourrait générer une opposition de la part du gouvernement du Québec », mais aussi travailler afin « d’éviter qu’il ne s’y oppose advenant que ledit projet réponde à toutes les exigences en vigueur ».

Les mandats des 16 lobbyistes de Suncor, propriétaire de la seule raffinerie située à Montréal, incluent aussi des « représentations auprès des titulaires de charges publiques afin que les orientations du gouvernement soient revues pour permettre l’inversion ». Valero et Suncor ont aussi plaidé en faveur du projet d’Enbridge auprès de l’Office national de l’énergie.

Même le Conseil du patronat du Québec a inscrit un mandat en faveur de l’inversion du pipeline d’Enbridge, construit en 1975, mais aussi en « appui » à Énergie Est.

Lobbying intensif

Au total, on compte donc 75 lobbyistes inscrits sous des mandats incluant des démarches de promotion des projets de pipelines conçus pour transporter le pétrole de l’Ouest canadien en sol québécois.

Les données compilées par Le Devoir révèlent en outre que ces efforts de lobbying sont plus importants que ceux menés par l’industrie du gaz de schiste au plus fort du débat autour de la controversée filière. En 2011, un total de 55 lobbyistes militaient en faveur du développement de cette ressource fossile. Quant au lobby pétrolier, il comptait l’an dernier environ 50 lobbyistes. Mais ce nombre incluait alors les inscriptions de TransCanada et d’Enbridge.

Le nombre de 75 lobbyistes propipelines ne comprend par ailleurs pas les démarches connexes effectuées par Shell. Selon un mandat inscrit par la pétrolière, celle-ci souhaite remettre en service des « réservoirs d’entreposage », mais aussi ajouter des « conduites » entre ces réservoirs et le terminal pétrolier de Valero. Cette dernière, qui possède la raffinerie située à Lévis, compte en effet transporter par pétrolier du brut acheminé sur l’île par le pipeline 9B. Selon ce qu’a précisé jeudi l’entreprise, les achats quotidiens de Valero devraient atteindre 130 000 barils. Ce pétrole brut transitera par le fleuve Saint-Laurent.

Au-delà du lobbying visant les élus de l’Assemblée nationale, le gouvernement Couillard a déjà fait part de son préjugé favorable envers les projets d’Enbridge et de TransCanada. Lorsque les deux projets seront en exploitation, 1,4 million de barils de pétrole de l’Ouest transiteront chaque jour par le Québec. Cette prévision devrait être une réalité dès 2020.


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