L’enjeu politique derrière le projet de loi 16

Les organisations citoyennes et syndicales doivent militer pour la fin immédiate du projet de loi 16, non son amendement ou sa bonification.

Laïcité — débat québécois


Les Québécois sont aux prises avec un problème de taille en ce qui
concerne le récent projet de loi 16 de la ministre Yolande James.

Les Libéraux provinciaux, même s’ils ne le disent pas ouvertement, se
situent dans la même lignée de pensée que le multiculturalisme canadien
prôné par Trudeau. Pour cette doctrine, l’identité canadienne se définit
par l’ajout des valeurs, cultures et religions de tous à la sphère
publique, comme s’il n’y avait pas de valeurs centrales qui puissent
définir une société d’accueil. Et au Canada, il n’y a pas de valeur
centrale, si ce n’est, bien évidemment, le multiculturalisme. S’il n’y
avait pas cette prépondérance de la doctrine de Trudeau dans les jugements
de la Cour suprême (ex : le kirpan et le turban), l’école
Marguerite-de-Lajemmerais et la GRC n’auraient pas été obligés de
réintégrer l’étudiant et le policier en question.

Et pourtant au Québec, il y a des valeurs centrales qui ne sont pas liées
au multiculturalisme, et pour qui c’est évident qu’il y a effectivement une
hiérarchie dans les droits. Que déroger de ces valeurs fondamentales ne
manquerait de créer une vive opposition sociale. L’égalité des sexes est
l’une de ces valeurs chez les Québécois. Les Libéraux et Charest le savent.
Cependant, par le projet de loi 16, leur but est d’ouvrir davantage la
société québécoise au fait religieux, ce que souhaitent la société
canadienne et l’idéologie de Trudeau, encore bien vivante.

Puisque la primauté de l’égalité des sexes sur les motifs religieux n’est
pas reconnue dans la Charte canadienne, toute addition de ce fait dans le
projet de loi 16 le ferait assurément contester par des communautés
culturelles, comme possiblement les juifs hassidiques. Et éventuellement,
la Cour suprême, comme à son habitude, tranchera certainement à la faveur
du multiculturalisme…ce qui n’avancerait pas la situation au Québec.

Ne voulant pas que son projet de loi soit invalidé par une instance
alliée (la Cour suprême), le gouvernement Charest, malgré les pressions
populaires, n’installera pas la valeur d’égalité des sexes dans celui-ci.
S’il le faisait, son objectif officieux d’intégrer de gré ou de force les
Québécois dans le Canada s’avèrerait caduc. Il n’y a pas de manque de
compréhension des enjeux, malgré ce qu’en pensait Josée Legault (Voir, le 10 octobre) ; le gouvernement provincial sait très bien ce qu’il fait au
niveau de la montée du religieux dans la société québécoise car il lui
ouvre la voie.

Les organisations citoyennes et syndicales doivent militer pour la fin
immédiate du projet de loi 16, non son amendement ou sa bonification.

Et, en attendant, l’égalité des sexes va donc souffrir d’une seule
exception –une exception majeure−, celle de la Charte canadienne des
droits et libertés pour les communautés culturelles et religieuses, et ce
au détriment de toutes les femmes et de leurs supporteurs dans l’égalité
des sexes. Tant que le Québec sera à l’intérieur du Canada, la religion
appartiendra au domaine public et pourra s’immiscer dans les institutions
étatiques, peu importe les lois que l’Assemblée nationale fera, ou ne fera
pas.

Et pour les gens qui militent en faveur d’une charte sur la laïcité au
Québec, dont je suis, n’ayez aucune crainte : avec le gouvernement Charest
au commande, aucune chance qu’il y en ait une d’ici la fin de son mandat.
Si cette option était si évidente pour ce gouvernement, cela fait longtemps
qu’il l’aurait mis en branle ; il y a là beaucoup de conviction de la part
des Libéraux…à voir à ce qu’aucune charte de la laïcité ne soit mise en
place!
Jocelyn Parent, philosophe politique et essayiste.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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Jocelyn Parent7 articles

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Je suis un intellectuel qui place ses énergies dans l’émancipation du Québec et des Québécois-es, en vue de participer à leur procurer un État moderne et digne de ce nom. Ma réflexion est mise à la contribution des gens pour susciter la réflexion et l’élargissement de ce qu’est un citoyen, un électeur et une personne vivant en société. Cela se résume en un seul mot : la responsabilité. Faire ses devoirs pour mieux voter et mieux interpeler les élu-e-s, de sorte à ce que ceux-ci remplissent le seul mandat qui leur est dévolu : prendre soin de la population, non pas de façon paternaliste mais en participant avec le peuple à réaliser une société viable, intéressante et qui valorise le respect des gens, non pas qui vise à les berner.





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3 commentaires

  • Frank Fox Répondre

    20 juin 2012

    Monsieur Parent, pourriez-vous communiquer avec moi, j'aimerais discuter plus en détails avec vous.

  • Thérèse-Isabelle Saulnier Répondre

    16 octobre 2009

    Et la clause "Nonobstant", elle ne s'appliquerait pas dans le cas de l'affirmation québécoise de la priorité absolue de l'égalité des sexes sur le religieux? Si oui, tous les groupes d'opposition au projet de loi 16 doivent mettre de l'avant cette clause et la marteler quotidiennement!
    "ON A LA CLAUSE, FAUT L'UTILISER!"
    Evidemment, on ne peut compter sur le Gouvernement Charest pour s'en servir, mais, qui sait! Comme il veut rester au pouvoir, et que si le PQ promettait d'appliquer cette clause...

  • Claude Girard Répondre

    16 octobre 2009

    Juste une précision concernant l'affaire du kirpan. Le jeune sikh pris dans cette histoire ne fréquentait pas l'école Marguerite-de-Lajemmerais qui appartient à la CSDM mais bien une école (je ne me souviens pas laquelle) de la commission scolaire Marguerite-Bourgeois située dans l'ouest de l'Ile. D'ailleurs, cela aurait été difficile puisque l'école Marguerite-de-Lajemmerais est l'une des rares écoles publiques au Québec regroupant uniquement des filles.
    Située à Montréal près des Pyramides olympiques, il est vrai cependant qu'elle a son lot d'accommodements particulièrement envers les jeunes filles de confession musulmane. Plusieurs parents musulmans attachés au système public voient d'un très bon œil que leur fille fréquentent une telle école. L'uniforme prescrit pour les élèves prévoit d'ailleurs cette possibilité en offrant le port du hijab de couleur claire ou foncé. Par contre, leurs parents en général pratiquants acceptent plus souvent qu'autrement de leur laisser le choix en ce domaine. Résultat: environ la moitié des jeunes filles d'origine musulmane ne portent pas le hijab par choix. Je le sais par ma fille qui fréquente cette école fort bien tenue et un modèle d'engagement envers des filles d"origine différente non seulement au plan ethnique mais aussi au plan social. Voilà la réalité sur le terrain que les médias prennent souvent plaisir à déformer (Jean-Luc Mongrain et le hijab «griffé» de l'école Marguerite-de-Lajemmerais justement) mais qui n'est rien en regard de la lâcheté du gouvernement Charest en la matière comme vous le soulignez à si juste titre.