L'élite des affaires menace de boycotter le CHUM

CHUM

vendredi 24 décembre 2004
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La collecte de fonds privés serait compromise si Québec implante l'hôpital au centre-ville
L'élite du milieu des affaires se mobilise et menace de ne pas participer à la collecte de fonds privés nécessaires à la construction du futur CHUM si le gouvernement du Québec décide d'en faire l'implantation au centre-ville, a appris Le Devoir.
C'est une contribution financière d'au moins 200 millions de dollars, selon les estimations préliminaires du gouvernement, dont une large part pourrait ainsi échapper à Québec. Perdant de plus en plus prise sur ce dossier compte tenu des avis qui se multiplient en faveur de l'érection du CHUM là où se trouve l'hôpital Saint-Luc (1000 Saint-Denis), ces gens d'affaires ont lancé des appels au premier ministre Jean Charest. Face à un tel lobby, M. Charest aurait décidé d'appliquer les freins et de reporter à janvier le moment où il lui faudra trancher la question.
Pour tenter un rapprochement, le ministre de la Santé, Philippe Couillard, aurait, selon des sources dignes de foi, tendu une perche aux défenseurs du projet d'implantation du CHUM dans la cour de triage du Canadien Pacifique à Outremont. Pour rendre cette option acceptable aux yeux du gouvernement, le ministre aurait posé trois conditions : diminuer le nombre de lits à 550 plutôt qu'à 700, reporter la construction d'un campus des sciences de la santé à une étape ultérieure et obtenir l'appui des quelque 1000 médecins du CHUM actuel.
La sortie publique, lundi, d'un groupe de médecins et de chercheurs du CHUM aurait ainsi fait partie de la stratégie visant à donner du poids à la proposition de l'Université de Montréal d'intégrer le futur hôpital spécialisé à ses facultés de médecine, de médecine dentaire et de sciences infirmières. Au moment de la conférence de presse, 124 médecins avaient signé une lettre d'appui à Outremont. Ils seraient maintenant 197 à promouvoir la synergie, devenue un critère essentiel selon eux.
Le Dr André Lacroix, chef du département de médecine du CHUM, avait alors ouvert la porte à ce que le projet prenne forme par étapes. L'important consiste davantage à ne pas rater l'occasion d'offrir à la population un hôpital d'envergure internationale sur un site permettant un développement.
Pour ce qui est de la réduction de 150 lits, cela équivaudrait à une économie de 60 millions sur la facture totale. Mais un hôpital de 700 lits sur un site unique fait déjà consensus depuis plusieurs mois. Début décembre, les membres du conseil d'administration du CHUM avaient unanimement adopté les paramètres du projet qui doit théoriquement voir le jour en 2010; les 700 lits sont un minimum incontournable pour les médecins, gestionnaires et professionnels.
Globalement, les conditions du ministre Couillard paraissent d'autant plus difficiles à respecter que la communauté des affaires fait face à une date butoir. Le gouvernement Charest aurait d'ores et déjà retenu la date du mercredi 5 janvier pour faire l'annonce de son choix, ce que n'ignorent pas les gens d'affaires.
Le temps est devenu un élément essentiel dans ce dossier. Au printemps dernier, le recteur de l'UdeM, Robert Lacroix, avait réussi à convaincre le premier ministre de lui accorder un délai pour lui présenter son projet en bonne et due forme. C'était au moment même où la commission Mulroney-Johnson s'apprêtait à rendre public son rapport, qui rejetait le site du 6000 de la rue Saint-Denis.
M. Lacroix a présenté un premier projet pour un complexe hospitalo-universitaire en juin. Deux scénarios étaient alors sur la table. Dans les deux cas, la construction du CHUM n'était pas prévue sur la cour de triage mais juste à côté, là où s'élève le centre commercial Beaumont; seules les facultés universitaires étaient prévues sur le terrain du CP avec entrée du côté de la rue Beaumont.
Dès lors, le CHUM a reçu le mandat d'étudier avec diligence la proposition. Or, à la fin de septembre, le projet Outremont avait évolué. La reconfiguration complète des plans a forcé à une révision des études et commandé de nouveaux frais.
Devant une telle valse de chiffres, le sous-ministre de la Santé a alors convoqué les représentants de l'UdeM et du CHUM 2010 (la division du CHUM qui dirige les travaux). Dès lors, les parties ont dû travailler ensemble, avec obligation de fournir en fin de parcours les résultats conjoints des études. Un comité de synergie a été créé mais deux comptes rendus ont finalement été remis au ministre à la mi-décembre, les positions étant irréconciliables.
Depuis deux semaines, le gouvernement a entre les mains tous les éléments pour prendre une décision. Le comité interministériel, l'Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Montréal et Daniel Johnson ont tous déposé leurs recommandations, qui seraient défavorables à Outremont.
Ce jeu de souque à la corde politique a également des relents de bataille de personnalités. D'un côté, on retrouve le recteur de l'UdeM, Robert Lacroix, dont la propension à court-circuiter les échelons de la hiérarchie gouvernementale pour s'adresser directement au ministre ou même au premier ministre hérisse les hauts fonctionnaires.
De l'autre côté, le Dr Denis Roy, qui dirige le CHUM actuel, protège jalousement l'indépendance de son établissement face à l'UdeM. On dit qu'il craint une prise de contrôle de l'UdeM, qui rappelle d'ailleurs que le CHUM, c'est ni plus ni moins le Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Mais la situation est fort différente dans la communauté anglophone, où c'est l'université McGill qui a donné naissance aux hôpitaux comme le Royal-Victoria.
Robert Lacroix s'est entouré de plusieurs hommes d'affaires pour mener à bien son projet. Il bénéficie notamment de l'appui de Paul Desmarais, de Power Corporation, qui a agi comme négociateur entre l'UdeM et le CP.
Selon ce qu'a appris Le Devoir, le montant de la vente s'élèverait à 25 millions, soit cinq millions de plus que ce qu'avait prévu l'UdeM. Et alors qu'une entente a été signée pour l'acquisition de ce vaste terrain de 2,4 millions de pieds carrés (3,2 millions de pieds carrés en tenant compte du pourtour, qui peut être développé), les obstacles s'accumulent devant le projet Outremont.
À l'Université de Montréal, on disait hier tout ignorer de ces développements dans le dossier.


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