L'Église catholique a-t-elle une place au Québec?

Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»


À lire le rapport de la commission Bouchard-Taylor, à écouter les commissaires aux différentes tribunes où ils sont invités, à analyser les commentaires dans les journaux, on peut se demander si le rapport de la commission reflète vraiment la réalité québécoise, en matière religieuse. M. Bouchard parle d'une crise de perceptions plutôt que d'une crise d'accommodements raisonnables. Selon lui, si les Québécois d'ascendance canadienne-française réagissent mal aux accommodements religieux d'autres confessions, c'est qu'ils ont gardé une rancune envers l'omniprésence passée de l'Église catholique et qu'ils transposent aujourd'hui leur rancoeur sur les autres religions qui font maintenant partie du paysage québécois.
De tels propos sont méprisants pour l'ensemble des catholiques du Québec, comme si leur foi était un vestige du passé, que la majorité d'entre eux avaient rejeté les valeurs chrétiennes que l'Église a toujours véhiculées et que le catholicisme québécois n'avait plus de place que dans le patrimoine historique contenu dans des livres et qui s'exprime seulement par des symboles sur les murs de nos édifices ou sur les pierres de nos bâtisses.
Mort de l'Église
On parle de l'Église catholique comme d'une institution fossilisée qui n'a plus sa place dans la société québécoise. Comme bon nombre de mes contemporains, je suis tout à fait d'accord avec le principe de la laïcité qui reconnaît la séparation de l'Église et de l'État. Mais ce concept ne doit pas annoncer la mort de l'Église à laquelle appartient encore la majorité d'entre nous. Hélas! C'est ce que nous entendons et c'est ce que nous percevons lorsque nous osons affirmer notre foi chrétienne dans l'espace public. Personnellement, comme prêtre et comme député, je me suis fait dire, à maintes reprises, que ce n'était pas ma place en politique et de retourner dans ma sacristie. Devons-nous nous sentir coupables d'être catholiques au Québec, en 2008?
Et pourtant, lorsque l'on regarde l'évolution de la foi chrétienne au Québec, on se rend bien compte que ce n'est pas l'Église que la majorité rejette, mais bien l'autoritarisme de certains membres du clergé qui jugent et qui condamnent et qui voudraient exercer un pouvoir sur les gens qu'ils ne possèdent heureusement plus. Ceux-là sont très minoritaires et nuisent grandement à la majorité.
Mais les catholiques du Québec ont aussi évolué: ils sont capables de critiques envers l'institution et, s'ils ont abandonné certaines pratiques de la religion, ils continuent toujours de se référer à l'Église pour la célébration des passages importants de leur vie: baptême, confirmation, première communion, pardon, mariage et funérailles, et beaucoup d'entre eux s'engagent sur le plan social à cause de leur foi chrétienne et de leur appartenance à l'Église. La plupart des catholiques du Québec sont pour l'égalité homme-femme, ils préconisent des changements au sein de leur Église et ils sont ouverts, accueillants, respectueux et tolérants envers les autres. Comment faire autrement, puisque l'évangile les y invite?
Valeur de la foi
Par ailleurs, quand on lit les recommandations des commissaires, concernant la religion, les catholiques du Québec sont frustrés et ne peuvent accepter que leur foi chrétienne n'a pas plus de valeur, non pas qualitative, mais historique, que la foi musulmane ou la foi d'autres confessions religieuses nouvellement installées au Québec. C'est ce qui rebute les gens et ce n'est malheureusement pas seulement une perception; c'est la réalité.
Quand dans une même recommandation, les commissaires suggèrent comme pratiques d'harmonisation d'enlever le crucifix accroché au mur de l'Assemblée nationale, mais de conserver l'érouv juif autour de la ville d'Outremont, on peut comprendre la réaction d'intolérance de certains qui se voient dépouillés de leurs symboles, pendant que l'on en accorde à d'autres. Oui, il nous faut nous adapter à la nouvelle réalité québécoise; mais il faut que ces changements soient faits de part et d'autre.
Hidjab à l'école
Il n'est pas très loin le temps où toutes les religieuses catholiques étaient voilées; dans certains milieux, on les a même forcées à s'habiller en laïques si elles voulaient continuer à enseigner. Elles se sont adaptées. Mais voilà que nos deux commissaires suggèrent que les élèves et leurs professeures musulmanes qui le veulent puissent porter le hidjab dans nos écoles publiques, et cela, au nom de l'intégration, sous prétexte que c'est en toute liberté que ces femmes portent le voile, même si ce symbole contredit l'égalité homme-femme.
MM. Bouchard et Taylor n'ont pas compris que la religion peut, parfois, dépouiller les gens de tout sens critique et donc les rend incapables de liberté; les kamikazes en sont un exemple éloquent.
Visage chrétien
Sur le plan culturel, les commissaires sont d'avis qu'il faut soustraire le Québec du multiculturalisme canadien, car celui-ci menace la culture et la langue française comme valeurs communes du Québec. On propose donc l'interculturalisme, c'est-à-dire que la culture québécoise est première et les autres cultures se greffent à elle pour l'enrichir et la faire évoluer. Sur le plan religieux, ne faudrait-il pas proposer l'interconfessionnalité au lieu de la multiconfessionnalité, si l'on veut sauvegarder nos valeurs chrétiennes et les enrichir au contact d'autres confessions religieuses?
Aussi, tout en favorisant la laïcité ouverte, il nous faut absolument conserver un certain visage chrétien à la société québécoise, qui peut s'exprimer, non seulement dans ses symboles patrimoniaux et dans ses oeuvres artistiques, mais aussi dans ses valeurs profondes qui l'ont façonnée depuis 400 ans. L'Église catholique peut et doit occuper une place prépondérante au Québec, non pas une Église autoritaire, fermée sur elle-même qui voudrait s'imposer à tout le monde, mais une Église ouverte sur le monde, respectueuse de la diversité, accueillante, évangélique, dont l'engagement social favorise plus de justice et plus d'égalité et de dignité pour tous. Cette Église peut rallier encore, sinon la totalité, à tout le moins la majorité d'entre nous.
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Raymond Gravel, Prêtre, député de Repentigny


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