Récemment, j’ai assisté à une partie du procès intenté par la société gazière Gastem contre la lilliputienne municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est pour lui avoir interdit de forer à faible distance des sources d’eau potable. Expérience fascinante et fort éclairante pour comprendre la stratégie communicationnelle des sociétés gazières et pétrolières.
Pour monsieur Raymond Savoie, ex-ministre libéral délégué aux Mines et actionnaire majoritaire de Gastem, les opérations de sa société ne présentaient aucun risque pour l’eau potable et la santé de la population, puisque les « sondages stratigraphiques » envisagés par Gastem n’injectaient dans le sous-sol aucune substance susceptible de contaminer les sources d’eau potable. La main sur le coeur, il se désolait pour les Gaspésiens d’une occasion manquée de devenir riches et prospères. D’un même souffle, il nous expliquait que l’objectif premier de sa société était simplement de trouver des hydrocarbures afin de « valoriser » ses investissements. Comme un chasseur qui lève une perdrix, il nous disait fièrement avoir « levé », dans sa longue carrière, au moins 100 millions de dollars pour réaliser de tels projets. Et que ce serait-il passé, si sa société avait trouvé des hydrocarbures ? Là-dessus, monsieur Savoie demeurait silencieux.
Cet exemple est fort instructif. Il nous renseigne sur la stratégie des sociétés gazières et pétrolières : ne jamais exposer toutes les étapes qui conduisent à l’extraction non conventionnelle des hydrocarbures.
M. Belleau, de Pétrolia, et monsieur Lavoie, de Junex, utilisent exactement les mêmes procédés, la même rhétorique : on ne fait que des sondages stratigraphiques, on ne fait que de la stimulation des puits, on ne fait que des tests d’injectivité, et « la fracturation hydraulique n’est pas envisagée, pour le moment ».
Cette stratégie de communication vise à endormir les citoyennes et les citoyens, à tromper leur vigilance, car, de fait, il n’existe pas de gisements conventionnels connus d’hydrocarbures au Québec. Les hydrocarbures sont soit emprisonnés dans la roche-mère, soit se sont réfugiés dans les failles naturelles du sous-sol. D’où la nécessité d’utiliser, dans le premier cas, la fracturation hydraulique et, dans le second cas, des forages horizontaux qui vont rencontrer ces failles. On fera ensuite fondre les carbonates en utilisant des acides puissants et on pourra ainsi récupérer l’or noir ou le gaz dit naturel.
Or, dans ce dernier cas, les failles vidées temporairement de leurs hydrocarbures deviennent des voies privilégiées de passage des contaminants et produits chimiques utilisés dans ces procédés industriels vers les aquifères. De même, dans le cas de l’usage de la fracturation hydraulique, les milliers de fractures créées deviendront, à leur tour, des canaux pour la remontée des contaminants vers les nappes phréatiques. Et cette remontée sera d’autant plus facile, bien qu’il soit difficile d’en établir la durée, que la zone de protection de 400 mètres prévue par la réglementation actuelle entre l’extension horizontale des forages et la base des aquifères est nettement insuffisante pour protéger les sources d’eau potable.
Le gouvernement Couillard
Le gouvernement de monsieur Philippe Couillard donne dans la même rhétorique trompeuse et utilise exactement les mêmes stratégies communicationnelles.
Combien de fois n’avons-nous pas entendu messieurs Couillard, Arcand et Heurtel nous dire qu’ils ne favorisaient pas le développement des hydrocarbures, que sans acceptabilité sociale il n’y aurait aucun projet qui irait de l’avant et que, de toute façon, la réglementation qui encadrera une telle industrie sera « la plus sévère en Amérique du Nord » ?
Or, la réalité est tout autre. Ce gouvernement a utilisé les fonds publics pour subventionner grassement l’industrie gazière et pétrolière qui, sans ce soutien massif, n’existerait même pas. Ce gouvernement n’a nullement tenu compte d’une non-acceptabilité sociale que deux rapports du BAPE ont clairement exposée, que de multiples manifestations, protestations et pétitions ont montrée et qu’un sondage a confirmée.
Ce gouvernement a aussi adopté, sous le bâillon, en prétextant une urgence imaginaire, un cadre législatif qui favorise indûment cette industrie et qui viole les droits fondamentaux des citoyens et des nations autochtones et métisses, alors qu’il n’a jamais mis en vigueur cette législation par la suite.
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