Je suis tombé hier par hasard sur un texte intitulé « Is the English language too powerful ? ». (La langue anglaise est-elle trop puissante ?)
L’auteur, Kai Chan, est « distinguished fellow » à l’INSEAD (l’Institut européen d’administration des affaires). Il a grandi à Toronto, mais conseille entre autres le gouvernement des Émirats arabes unis.
Chan met des chiffres sur ce qu’on sait intuitivement, soit que la langue anglaise n’a peut-être jamais été aussi forte : c’est la « langue des sciences, des affaires et de la recherche », écrit-il.
Le chercheur a dressé un « Power Language Index » (PLI), sorte de palmarès, afin de déterminer quelle est la langue « la plus utile dans la vie d’une personne, dans une perspective mondiale ».
Sans surprise, dans le PLI, l’anglais a le score le plus élevé, 0,889. Le mandarin ? 0,411. « Ainsi, écrit Chan, non seulement l’anglais est la langue la plus puissante, elle l’est deux fois plus que sa plus proche rivale. »
Montréal
Dans sa note publiée par le World Economic Forum, le chercheur se penche sur le cas de Montréal. Il souligne ceci : l’anglais est l’une des deux langues officielles du Canada, mais ce n’est pas le cas au sein du Québec, où seul le français a droit à ce statut.
Toutefois, appliquant son « Power Language Index » à la région métropolitaine de Montréal, il conclut : « Malgré la protection dont bénéficie le français et l’absence de statut officiel conféré à l’anglais, la langue de Shakespeare y est très compétitive », le français obtenant 0,690 devant l’anglais, 0,599.
Le dilemme québécois
Le dilemme québécois se trouve dans cette note, en quelque sorte. Le Québec francophone veut participer au monde contemporain, et pour ce faire, connaître au moins minimalement la langue dominante. En même temps, il tient à perpétuer le français en Amérique du Nord. C’est, localement, sa manière de protéger une sorte de « biodiversité » de la culture humaine.
Mais quand il prend des mesures pour ce faire, on désigne ce Québec comme une majorité oppressante.
Le dernier épisode étant la demande timide et polie, de la part de l’Assemblée nationale, de proscrire le « bonjour-hi » à l’entrée des commerces. Cela a tant ulcéré la soi-disant minorité anglophone qu’elle a réussi à terrifier le PLQ de Couillard, lequel s’est mis à battre sa coulpe et à promettre de tout faire pour défendre l’anglais. Comme s’il s’agissait d’une langue en danger !
En 1974, bien avant que la position de l’anglais ne se renforce grâce aux nouveaux médias, Pierre Elliott Trudeau, pourtant un tenant de la symétrie des deux langues officielles du Dominion, déclarait : « Le jour où 90 % des Québécois parleront les deux langues, le français sera foutu. Parce que l’anglais est dominant, ça sera la langue forte, le français disparaîtra. Il faut que le Québec soit beaucoup plus francophone qu’anglophone. » (On le voit le dire en conclusion du documentaire La langue à terre, de Jean-Pierre Roy.)
Une fois n’est pas coutume : donnons raison à Trudeau ; juste pour ce bout de phrase.