par Jacques Fournier
organisateur communautaire retraité
Version allongée d’un texte paru sur cyberpresse.ca
L’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a tenu récemment une conférence de presse pour présenter son analyse concernant les listes d’attente pour l’hébergement des personnes âgées en perte d’autonomie et les fermetures de lits de longue durée dans les hôpitaux généraux, sujets qui avait été au coeur de plusieurs reportages dans les média.
Essentiellement, l’Agence a affirmé qu « il n’y a pas d’attente pour répondre aux besoins immédiats des personnes âgées ». Du même souffle, elle a reconnu qu’il y a présentement 1 429 personnes âgées en perte d’autonomie demeurant à leur domicile, avec « soutien intensif », dans l’attente qu’une place se libère parce qu’elles requièrent trop d’heures de soins quotidiens pour rester à la maison. Ces personnes reçoivent-elles une aide suffisante en attendant? Il est permis d’en douter quand on entend les témoignages des personnes et des familles concernées, ainsi que des intervenants sur le terrain (médecins, infirmières et travailleuses sociales). Pour l’Agence, les situations difficiles décrites dans les reportages sont des « anecdotes ». Pourtant, le sous-financement des services à domicile est bien documenté.
Selon une étude de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), en date du 22 mars 2007, le Québec à l'avant-dernier rang des provinces concernant le financement des services à domicile. Le Québec y consacre annuellement 91,66 $ par habitant, comparativement à une moyenne canadienne de 105,29 $.
Une recherche récente confirme les effets du sous-financement des services à domicile au Québec. Marc-Antoine Busque, dans une étude intitulée « Les besoins non comblés de services à domicile chez les aînés canadiens » (SEDAP Research Paper no. 251, McMaster University, Hamilton, Ontario, août 2009) note que « Le fait de résider dans la province de Québec hausse très fortement la probabilité d’avoir un besoin non comblé pour au moins une des 9 activités par rapport au fait d’habiter l’Ontario, une des provinces de l’Atlantique ou alors une des provinces des Prairies. Par contre, il n’existe pas de différence statistiquement significative entre le Québec et la Colombie- Britannique. (…) C’est davantage du côté de l’organisation des soins de santé et de services sociaux et plus précisément vers le fonctionnement des services de maintien à domicile dans les diverses provinces et régions canadiennes qu’il faut se tourner pour expliquer ces résultats. (…) Au niveau des dépenses per capita en matière de soins à domicile, la Colombie- Britannique et le Québec figurent en queue de peloton parmi les provinces canadiennes. (…) Et cela peut peut-être en partie expliquer pourquoi le risque d’avoir des besoins non comblés est significativement plus élevé au Québec et en Colombie-Britannique. »
L’Agence de Montréal fait valoir que des sommes supplémentaires ont été consenties ces dernières années pour rehausser les budgets mais, de l’avis des observateurs externes, ces ajouts ont été nettement insuffisants.
Au cours des derniers mois, l’Agence a procédé à la fermeture de lits de longue durée situés dans des hôpitaux généraux. Ce fut le cas de 171 lits au CH St. Mary et au CHUM (St-Luc et Notre-Dame), en 2008-2009. L’Agence prévoit de plus fermer 60 lits à l’Hôpital général juif en 2009-2010. Ces transferts ont entraîné un certain nombre de problèmes. Ainsi, le nombre de personnes âgées présentant des besoins spécifiques (par exemple, des troubles de comportement graves, tels fugues et agressivité) s’est avéré plus important que prévu au départ et on a constaté un manque de places adaptées à ces clientèles. De plus, la couverture médicale s’est révélée insuffisante, dans certains cas, pour répondre adéquatement aux besoins d’évaluation et d’orientation.
L’Agence est consciente de ces problèmes et se propose, dorénavant, de ne pas fermer de telles places sauf « si les conditions sont jugées favorables ». L’Agence a maintenant dans sa mire la fermeture de 40 lits à l’hôpital de Verdun et de 45 lits à l’Hôtel-Dieu (CHUM). C’est vrai que les lits de longue durée n’ont pas leur place dans les hôpitaux généraux mais pourquoi se presser de fermer ces lits alors que les ressources (places en CHSLD et nouvelles ressources intermédiaires) ne sont pas encore disponibles en quantité suffisante?
L'Agence de Montréal est sourde au sous-financement des services à domicile
Tribune libre
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