La majorité croit que tout est clair quand la télévision a montré une image, et l’a commentée de quelques mensonges. Une population plus restreinte se contente de savoir que presque tout est obscur, ambivalent, « monté » en fonction de codes qui lui échappe. Une minorité, qui voudrait savoir le vrai, très malaisé à distinguer clairement, se demande invariablement, pour chaque cas singulier : « A qui profite le crime ? »
Nous expliquions il y a deux mois dans cette même rubrique (1), comment Bill Gross, gestionnaire du plus important fonds d’investissement au monde, Pimco, avait décidé de se débarrasser de tous ses bons du Trésors, car il prévoyait que les cours des obligations d’État US allaient s’effondrer avant l’été, et que cela entraînerait une contraction de l’économie qui ne manquera pas d’amener le pays à l’éclatement monétaire par l’hyperinflation, à la récession et au chômage de masse. En clair, la banqueroute des États-Unis.
Cette information, relatée discrètement dans la presse économique, a été reprise dans Le Figaro du 16 mai dernier, sous le titre « Les Etats-Unis à trois mois de la faillite ». L’article va plus loin et explique comment la situation économique des Etats-Unis est sans issue, puisque sa « dette devrait toucher son plafond ce lundi – déjà relevé en janvier dernier – fixé à 14.294 milliards de dollars, et à partir duquel les États-Unis ne pourront plus emprunter. »
« Autrement dit, les États-Unis sont au bord de la faillite », indique le quotidien, avant de poursuivre, en citant Aaron Kohli, spécialiste des bons du Trésor chez Nomura Securities, que ce serait «l’équivalent financier d’une bombe nucléaire». Le cataclysme mondial serait tel que les gens n’y croient pas. «Ils doivent trouver une solution, ils ne peuvent pas laisser la planète finance exploser», se rassure un autre analyste, interrogé par Le Figaro.
La solution : plomber l’euro
Myret Zaki, rédactrice en chef adjointe de la revue économique suisse Bilan, explique dans son dernier livre, « La fin du dollar »(2), qu’un krach du billet vert est inévitable. Selon elle, la plus grande économie du monde n’est plus qu’une vaste illusion car « pour produire 1 dollar de richesse, elle a besoin de 6 dollars de dette. »
Pour cette analyste, il ne fait aucun doute que la solvabilité américaine dépend du discrédit de l’euro, car seule une crise de confiance dans la monnaie unique européenne permettrait aux Etats-Unis d’écouler aisément leurs futures émissions de bons du Trésors.
Manœuvres de déstabilisation
Le site Mecanopolis confirme cette analyse dans un article publié le 24 avril dernier (3) qui prophétise que « d’une manière ou d’un autre, les attaques spéculatives contre la dette souveraine des pays de la zone euro vont se poursuivre, et même s’intensifier ces prochains mois, puisque l’économie américaine est maintenant moribonde. La vraie question est de savoir quelle forme peut prendre cette guerre du dollar contre l’euro, ou plus exactement jusqu’où les Etats-Unis sont capables d’aller dans leurs manœuvres de déstabilisation. »
Et le même site de démontrer que les USA n’en sont pas à leur coup d’essai, puisque « début 2010, l’euro s’est retrouvé la cible d’attaques très directes. Celles-ci n’étaient plus seulement verbales, comme elles l’avaient été depuis son premier jour d’existence, mais spéculatives. Les principaux hedge funds anglo-saxons(4) ont décidé, lors d’un dîner organisé le 8 février 2010 à New York, de parier de manière concertée sur la baisse de l’euro et la détérioration de la dette européenne. Il était admis qu’une fois la crise grecque déclenchée l’effet domino constituerait un coup gagnant, un véritable strike contre l’euro. »
Les conséquences de l’affaire DSK
L’arrestation de Dominique Strauss-Kahn vise en premier lieu à discréditer le FMI, et par extension à amplifier la crise de l’euro. Les conséquences vont être directes et importantes, notamment pour la Grèce.
Les hedge-funds anglo-saxons ne vont pas se priver de l’occasion qui leur est offerte sur un plateau pour redoubler leurs spéculations sur les emprunts d’État de la Grèce, car le FMI apparaît aux yeux des “marchés” comme la garantie de bonne fin du plan de sauvetage mis en place l’année dernière. La voix du FMI, c’est son directeur général. À tort ou à raison, l’effacement de DSK va rendre le FMI inaudible et ouvrir la voie au déchaînement de la spéculation. On devrait donc voir le prix des CDS (Credit Default Swap) sur la dette grecque s’envoler, le taux de rendement exigé sur les obligations grecques sur le marché secondaire dépasser les 15 %, ce qui aura pour conséquence, comme l’indiquait en début de semaine l’économiste Nouriel Roubini, que « le défaut partiel de la Grèce est désormais inévitable. » Si la Grèce fait faillite, c’est ensuite, comme un jeu de dominos, l’ensemble des pays et des banques européennes qui vont sombrer, et l’euro, avant de disparaître.
On peut, pour toutes sortes de raisons, ne pas supporter Dominique Strauss-Kahn, être contre l’idée d’une monnaie unique européenne, mais on aurait tort de se réjouir de la catastrophe en cours parce que ce n’est pas par une chute aussi brutale et violente de la monnaie unique que les nations européennes pourront retrouver leur souveraineté monétaire et économique. Il n’y aura à la clef qu’un déluge de catastrophes pouvant mener jusqu’à la déstabilisation totale de notre continent. L’inculpation de DSK n’est donc rien d’autre qu’un acte de guerre des États-Unis à l’encontre l’Europe.
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Clovis Casadue, pour FLASH
Publié sur Mecanopolisavec l’aimable autorisation de Jean-Emile Néaumet, directeur de la rédaction.
Reproduction libre avec indication des sources
Notes :
(1) La banqueroute ou la guerre ?, Flash N°62, 24 mars 2011
_ (2) La Fin du Dollar, Myret Zaki, Éditions Favre, 2011
_ (3) La guerre du dollar contre l’euro, Mecanopolis, le 24 avril 2011
_ (4) Il s’agissait des banques d’affaires Goldman Sachs, Bank of A, Merrill Lynch et Barclays.
Article original :
A la demande de l’auteur, nous avons modifié le titre original de cet article
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