Éditorial - Selon un sondage d'Ipsos-Reid auprès de 1 023 Canadiens, 66 % des répondants se sont dits satisfaits de la façon dont le gouvernement Harper a géré la crise provoquée par la guerre au Liban. Au Québec, le taux de satisfaction a été de 50 %. Un autre sondage, de Léger Marketing cette fois, a révélé des taux d'insatisfaction de 62 % chez les Québécois et de 42 % pour l'ensemble des Canadiens.
Ces écarts peuvent s'expliquer par certains facteurs. Une famille montréalaise, les El-Akhras, a perdu huit membres lors d'un bombardement israélien dans le sud du Liban. Naturellement, les médias montréalais ont accordé une très large place aux critiques des parents et des proches de la famille éprouvée et du spectacle qu'ils ont donné : conférence de presse pour critiquer le gouvernement Harper, qui fut traité de "criminel", faux cercueils étalés devant la demeure d'un couple décédé, etc. De plus, il y a probablement une plus forte proportion de Libanais d'origine habitant le Québec (Montréal en particulier) qu'ailleurs.
D'autre part, à en juger par les quotidiens The Globe and Mail et The National Post, les témoignages des ressortissants sur l'effort canadien ont été plus équilibrés. Ces journaux ont donné rapidement plus d'informations sur le fond du conflit et sur le Hezbollah.
Certes, le gouvernement canadien a mal paru dans les premiers jours de la crise. Tout d'abord, le premier ministre a qualifié de "modérée" la riposte d'Israël malgré la destruction de nombreuses infrastructures au Liban à la suite de la capture de deux soldats israéliens sur son territoire par le Hezbollah. Ensuite, le ministre des Affaires étrangères, Peter Mackay, ne semblait pas savoir quoi faire en l'absence de son patron, retenu à la réunion du G8. C'est un secret de polichinelle que les ministres conservateurs ont peu d'autonomie et qu'ils doivent consulter le bureau du premier ministre sur les questions sensibles. L'ambassade canadienne a elle aussi paru attendre les ordres d'Ottawa avant de se mettre en branle. Elle n'était toutefois pas la seule à accueillir les appelants par une boîte vocale. C'était aussi le cas de l'ambassade américaine.
Certains ressortissants ont reproché à Ottawa les délais dans la location des bateaux et l'ont tenu responsable de leur longue attente avant le départ, de la mauvaise qualité des navires et des mauvaises conditions du voyage. Il ne fallait tout de même pas s'attendre à être hébergé sur des paquebots de croisière. Le Canada n'était pas le seul à chercher des bateaux. Il ne faut pas non plus comparer le Canada aux États-Unis et à la France, qui ont plusieurs navires dans la région. En fait, bien d'autres pays ont connu les mêmes difficultés.
Après l'apparent cafouillage des premiers jours, les autorités ont mis les bouchées doubles pour évacuer les ressortissants canadiens (4 000 par jour en fin de semaine dernière, ce qui n'est pas une mince affaire dans un pays en guerre). L'ambassade de Beyrouth, qui compte environ 30 personnes, a reçu l'appui de 130 fonctionnaires d'autres ambassades, et une centaine de militaires sont venus en renfort. Tous seront à pied d'oeuvre tant que tous les ressortissants qui désirent quitter le pays (39 000 sont inscrits) ne l'auront pas fait. Ces fonctionnaires, qui restent au Liban pour aider les ressortissants, devraient avoir droit à plus de reconnaissances que de critiques.
Par ailleurs, le gouvernement s'est montré plutôt généreux. Aucun ressortissant n'aura à payer pour son transport au Canada et il en sera de même pour les milliers de détenteurs d'un passeport canadien qui vivent au Liban, même s'ils ne paient pas d'impôt au Canada. Ces derniers recevront peut-être même plus d'aide que les autres d'Ottawa et de Québec puisque, n'ayant pas de logement ici, ils seront hébergés à l'hôtel pendant quelques jours. Une aide financière sera aussi disponible pour les plus démunis. Ils auront accès immédiatement et sans frais aux services de santé.
Considérant l'aide apportée par les gouvernements, plusieurs associations et de nombreux bénévoles, et le fait qu'ancun incident majeur ne soit survenu pendant l'évacuation, plusieurs critiques initiales des ressortissants paraissent maintenant excessives. Une fois les émotions passées, on dira plus de bien que de mal de la gestion de cette crise par le Canada.
Par ailleurs, il faut espérer que la générosité du gouvernement ne contribuera pas à créer un précédent, à savoir le droit pour les citoyens canadiens d'être évacués rapidement et gratuitement chaque fois qu'ils se trouvent en danger, où qu'ils soient à travers le monde. Voilà une question à débattre, car il y a tout de même une limite à ce que l'État peut faire pour limiter les risques touchant les individus.
jean-paul.gagne@transcontinental.ca
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