Éditorial - Les premiers ministres des provinces nous avaient habitué à une certaine unanimité lorsqu'ils se rencontraient. Ils se mettaient toujours d'accord pour demander plus d'argent à Ottawa. Leur rengaine était simple : les revenus du fédéral croissent plus rapidement que ses dépenses, alors que les dépenses des provinces augmentent plus vite que leurs revenus.
Le Québec est allé plus loin en publicisant et en dramatisant la notion de déséquilibre fiscal. L'expression a depuis été adoptée par l'ensemble des provinces et même par le chef conservateur, Stephen Harper. Les gouvernements Chrétien et Martin ont toujours refusé ce concept, mais voilà qu'un candidat vedette à la direction du Parti libéral, Michaël Ignatieff, la reprend à son compte, sans doute pour séduire le Québec, où son parti est en défaveur.
Mais il semble que le vent pourrait tourner. L'empêcheur de tourner en rond est Dalton McGuinty, premier ministre de l'Ontario. Au risque de passer pour un traître devant ses homologues, ce dernier a publié, au terme de la dernière rencontre du Conseil de la fédération, un communiqué dans lequel il a rejeté la suggestion d'un groupe de travail visant à modifier la formule de péréquation pour accroître les paiements versés à ce titre par Ottawa.
La péréquation est un programme par lequel Ottawa verse aux provinces les moins nanties (les exceptions sont l'Alberta et l'Ontario) des subventions pour leur permettre d'offrir le même niveau de services que celui que reçoivent les habitants des provinces les plus riches. Pour établir ces paiements, Ottawa calcule la capacité fiscale de cinq provinces (Québec, Ontario, Manitoba, Saskatchewan et Colombie-Britannique) sur la base de leurs recettes fiscales à l'exception des redevances sur les ressources. Cette année, Ottawa doit verser 9,4 milliards de dollars (G$) en péréquation aux huit provinces bénéficiaires. La part du lion (4,8 G$) ira au Québec, à cause de l'importance de sa population.
Les modifications à la formule de péréquation qui ont mis en rogne M. McGuinty sont la prise en compte des recettes fiscales des dix provinces (au lieu de cinq, de façon à inclure celles de la riche Alberta) dans le calcul de la capacité fiscale moyenne des provinces et l'inclusion dans leurs revenus des redevances sur les ressources naturelles. Ces changements, si Ottawa les adoptait, accroîtraient sa facture au titre de la péréquation de 5,7 G$, pour la porter à 15,1 G$. Évidemment, la péréquation est versée en sus des subventions fédérales au financement de la santé, de l'éducation post-secondaire et de l'aide sociale.
Sans surprise, Stephen Harper a demandé aux provinces de ne pas exagérer. La réaction surprise a plutôt été celle de M. McGuinty, qui a insisté sur le fait que les contribuables ontariens fournissaient déjà 43 % des recettes fédérales et qu'ils ne pouvaient envoyer encore plus d'argent à Ottawa pour lui permettre de verser encore plus de péréquation, alors que leur propre province aurait bien besoin de cet argent pour refaire certaines de ses infrastructures et améliorer ses services à la population.
Après avoir été bon joueur et généreux envers les provinces moins bien nanties et particulièrement le Québec, le gouvernement ontarien juge inacceptable que la péréquation permette à la Belle province d'offrir des services qu'elle ne se paie pas elle-même, telles les garderies à 7 $, les congés parentaux les plus généreux et le meilleur programme d'assurance médicaments, sans compter que Québec perçoit des droits de scolarité universitaire insignifiants et que les tarifs d'Hydro-Québec ne reflètent pas les prix du marché.
Or, M. McGuinty craint que Stephen Harper ne soit tenté d'améliorer substantiellement la péréquation pour augmenter ses chances de faire élire plus députés au Québec lors des prochaines élections. D'où la stratégie du premier ministre libéral ontarien de se porter à la défense de ses contribuables et de signifier à M. Harper qu'il pourrait ainsi risquer de perdre des députés conservateurs en Ontario.
Cette prise de position rendra plus difficiles l'élimination par M. Harper du déséquilibre fiscal par la péréquation et sa réélection à la tête d'un gouvernement majoritaire.
Or, la péréquation n'est pas la meilleure solution au problème fiscal des provinces car elle les maintient dans la dépendance perpétuelle. Il serait préférable de travailler au transfert de points d'impôt ou même de la TPS en entier, comme l'a suggéré le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Les provinces obtiendraient alors un champ de taxation qu'elles utiliseraient à leur guise pour financer leurs programmes sociaux. Respectueuse des compétences des provinces, cette solution serait plus durable pour le fédéralisme.
jean-paul.gagne@transcontinental.ca
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