L'écrivain, philosophe et homme de radio Jacques Languirand, qui a arpenté "Par quatre chemins" les ondes de Radio-Canada pendant quatre décennies, est décédé vendredi à l'âge 86 ans de la maladie d'Alzheimer, a annoncé la famille.
M. Languirand était atteint de la maladie d'Alzheimer depuis quelques années, et c'est d'ailleurs cette maladie qui l'avait poussé à "accrocher son micro" en 2014.
La famille indique qu'une cérémonie intime aura lieu plus tard, et elle demande de vivre son deuil en privé.
Né le 1er mai 1931, Jacques Languirand n'avait que 18 ans lorsqu'il a décidé de s'exiler à Paris, où il a notamment été chroniqueur à l'antenne de la "RDF" _ la Radiodiffusion française. De retour au Québec à la fin des années 1950, il prend sa place à la télévision, participant à plusieurs émissions d'information.
Jacques Languirand laissera aussi sa marque comme dramaturge et essayiste. On lui doit notamment les pièces "Les Insolites" et "Les Violons de l'automne", qui lui ont valu un Prix du gouverneur général en 1962, et, plus récemment, "Faust et les radicaux libres" et "Feedback".
En 1971, il arrive à la barre de l'émission de radio "Par quatre chemins", diffusée à Radio-Canada, dans laquelle il aborde différents thèmes, allant de l'environnement à la politique en passant par la spiritualité. Cette émission, il la pilotera pendant 43 ans, avant d'annoncer que la maladie le forçait à tirer sa révérence.
"J'ai aussi perdu ma vigueur et cette motivation si nécessaire pour faire mon métier comme vous le méritez", avait-il avoué en ondes, en février 2014, alors qu'il animait sa dernière émission. À ce moment, il semblait avoir accepté la maladie, et même sa mort qu'il savait approcher.
"J'accepte la fin. J'ai 83 ans, mais vous savez quoi? Je suis convaincu qu'il y a une vie après la mort. J'entends bien y poursuivre ma formation", déclarait-il au journal La Presse en octobre 2014, à l'occasion de la sortie d'une biographie à son sujet, "Le cinquième chemin", signée Aline Apostolska.
"Un esprit libre"
La journaliste et auteure Josée Blanchette, qui connaissait M. Languirand depuis 30 ans, s'est souvenue de son "mentor" comme d'un "libre penseur, qu'on ne pouvait pas mettre dans des cases, avec des étiquettes".
"Pour moi, c'est une époque qui s'en va. Je lui saurai gré toute ma vie d'avoir participé à mon éducation", a-t-elle confié en entrevue téléphonique.
Mme Blanchette explique s'être liée d'amitié avec lui en raison de leur profession commune et de leur intérêt à parler de tous les sujets.
"Avec Jacques, il n'y avait pas de petits sujets, les sujets d'esprit l'intéressaient, l'humain l'intéressait. La base, c'était l'humain. Il n'y avait pas cette hiérarchie de sujets", a-t-elle soutenu.
"Tu ne pouvais jamais savoir ce que Jacques Languirand allait dire ou penser. Il aimait nous dérouter avec son grand rire éternel et un peu diabolique."
Mme Blanchette espère que les Québécois se souviendront d'un homme irrévérencieux, qui n'a pas eu peur d'envoyer paître ses patrons même dans son vieil âge.
Elle a vu son ami une dernière fois il y a deux ans, lorsque la maladie avait déjà commencé à avoir ses effets. "Pour moi, le Jacques que j'ai connu, je lui ai fait mes adieux il y a deux ans."
Prix Guy-Maufette en 2012
Grand amoureux du français, Jacques Languirand avait obtenu en 2004 le prix Georges-Émile-Lapalme pour la qualité et le rayonnement de la langue. Il avait également à coeur la cause environnementale, ce qui l'a mené à être porte-parole du Jour de la terre et de la coalition Québec Vert Kyoto, qui lutte contre les gaz à effet de serre.
Il avait aussi cofondé le Festival des films sur l'environnement de Portneuf et participé à la série documentaire de Télé-Québec "Les artisans du rebut global". En 2006, il a été admis au Cercle des Phénix, qui regroupe des personnalités québécoises reconnues pour leur contribution personnelle remarquable à la cause de l'environnement.
Au fil des ans, il a obtenu de nombreux prix, incluant le Prix spécial du jury du Concours international de théâtre de la Fondation Alexandre-S.-Onassis pour "Faust et les radicaux libres", en 2001, le Prix du communicateur de l'année de l'Association internationale des professionnels de la communication en 1998, le Prix du libraire pour "La voie initiatique" en 1978, et le trophée Sir Barry Jackson pour "Les Insolites" en 1956. Jacques Languirand est membre de l'Ordre du Canada depuis 1987 et officier depuis 2003. Il a été reçu chevalier de l'Ordre du Québec en 2004.
En 2012, il reçoit le prix Guy-Maufette, qui récompense des personnes qui contribuent de façon exceptionnelle à l'évolution de la radio et de la télévision.
En 2011, alors qu'il s'apprêtait à amorcer la 41e saison de "Par quatre chemins" à la Première chaîne de Radio-Canada, Jacques Languirand a suscité une controverse qui a mené à sa suspension temporaire. Lors du lancement de la saison radiophonique, en août, M. Languirand n'avait pas aimé que son émission ne soit pas incluse dans le dévoilement de la programmation 2011-2012.
"Ces imbéciles (...) ont oublié de me mettre sur ce plateau alors que, cette année, j'entreprends ma 41e saison de l'émission "Par 4 chemins"", avait-il lancé à voix haute, avant de faire un doigt d'honneur devant une dizaine de ses collègues et les patrons de la boîte. L'animateur avait été suspendu au lendemain de cet esclandre, avant de retrouver son micro quelques semaines plus tard, en octobre.
Des allégations plus graves, à caractère sexuel, sont venues assombrir les dernières années de la vie de Jacques Languirand, alors qu'il était atteint de la maladie d'Alzheimer. Aucune accusation n'a jamais été portée, et la famille de M. Languirand s'était empressée de dénoncer ce qu'elle qualifiait d'"acharnement" à l'endroit de l'ex-animateur. Les Languirand ajoutaient que les seules personnes qui pourraient répondre à toutes ces questions n'étaient plus en mesure de le faire.