Le tandem Bouchard-Taylor nous le confirme et le commentait allègrement à l'émission Maisonneuve à l'écoute sur les ondes de Radio-Canada ce 23 mai dernier: il n'y aurait pas de «crise» comme tel, tout juste une «inquiétude» qui se réduirait même à un simple défaut de «perception». Voilà où nous en serions d'après le rapport sur la question des accommodements raisonnables.
Mais, loin de dégonfler complètement la baudruche, les commissaires recommandent des «pratiques d'harmonisation», reconnaissant donc des besoins, des changements à apporter, des efforts à faire, pour améliorer une situation qui par ailleurs ne serait pas alarmante.
À cette même émission, une auditrice a relevé qu'en matière de droits religieux dans l'espace public, on n'entendait jamais certains groupes, notamment les «immigrants intégrés». Et pour cause! N'oublions pas que la commission Bouchard-Taylor a mis lourdement sur la table cette dichotomie nous-eux, les «de souche» face aux immigrants, et on ne savait plus très bien comment s'en sortir, où se situer exactement: d'ailleurs pourquoi faudrait-il toujours se rattacher à un groupe?
Grotesques étiquettes
C'est que cela devient vite impossible: si l'on est par exemple née au Québec, d'un père d'origine grecque, d'une mère d'origine française... en épousant un pure laine, a-t-on gagné ses épaulettes?! À quel sous-groupe se rallier? C'est dire le grotesque des étiquettes, et pourtant il est de la nature humaine de cataloguer des blocs -- les juifs, les musulmans, les immigrants -- qui ont pourtant tous aussi leur diversité, leur pluralité. Tout comme cette majorité du Québec: canadienne-française, québécoise, francophone?
Si l'on n'entend pas parler les immigrants intégrés, c'est qu'ils ont justement «intégré» cette société, en l'abordant avec ce qui de toute évidence fait souvent défaut à d'autres: de l'humilité. Certes, l'intégration ne se vit pas de la même façon par tous, mais il faut au départ faire preuve d'humilité pour s'accommoder de ce que l'on trouve dans la société d'accueil. Car, même si «l'immigrant est là pour rester» (comme dit M. Charles Taylor), on ne s'invite pas dans un pays, on demande à être «reçu», autrement dit «accepté» et, dès lors, il revient à chacun d'apprivoiser cette société nouvelle à laquelle il veut participer.
Surenchère
Il faut en ce sens faire preuve de bonne volonté et, en retour, on peut dire que le Québec se montre bien conciliant: en effet, des accommodements se sont presque toujours faits à l'amiable sans passer par les tribunaux! Et on oublie en outre trop souvent que les demandes d'accommodement ne sont pas le seul fait des «nouveaux venus»! C'est une surenchère soudaine dans les demandes (locaux de prière, augmentation de congés payés, kirpan, etc.) mêlée à du dénigrement envers la réalité historique du Québec (sapins et chants de Noël, crucifix, etc.) qui a déstabilisé un statu quo peu vulgarisé...
Quand l'arrogance et la suffisance transforment une demande en revendication, quand le cas particulier devient une demande communautaire, quand un privilège devient abusif, l'opinion publique réagit, se sentant flouée, trahie, menacée, pour avoir été trop généreusement ouverte: elle réclame des balises nettes et précises.
Arrière-goût
Le pouvoir politique joue sa partie et répond aux pressions, avançant d'un pas et reculant de deux, comme toujours. Néanmoins, on ne voudrait pas que nos dirigeants en arrivent à paraphraser le Front National et Nicolas Sarkozy: on aime le Québec ou on le quitte! On préfère encore et toujours se répéter qu'il faut faire en sorte que chacun trouve sa place...
Mais il suffirait de presque rien... pour vivre en harmonie. [...] La commission Bouchard-Taylor laisse finalement un arrière-goût: la laïcité «ouverte» a encore des relents de concessions unilatérales... et le débat reste entier.
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