Philippe Couillard a déclaré lors d’un discours prononcé dans la capitale nationale le samedi 6 septembre qu’« [à] l’aube du 150e anniversaire du Canada, les Québécois souhaitent que le pacte qui lui a donné naissance soit réaffirmé ». Malgré le fait que son entourage semblait avoir compris, comme l’a rapporté La Presse canadienne, qu’il s’agissait d’une référence à la signature par le Québec de la Loi constitutionnelle de 1982, le premier ministre a laissé entendre le lendemain qu’il ne parlait aucunement de son intention de signer la Constitution.
En sa qualité de candidat à la direction du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard avait le 17 mars 2013 affirmé qu’il ne pouvait « concevoir que l’on puisse s’investir en politique québécoise et choisir le Canada sans le désir de voir le Québec réintégrer un jour la famille canadienne. On ne peut pas vouer à l’oubli un enjeu aussi fort sur le plan des symboles que l’absence de la signature du Québec au bas de la loi maîtresse du Canada ». Devenu chef de ce même parti, il avait dit souhaiter qu’une telle signature « se produise » en 2017 et que « le Québec y adhère pleinement et fièrement, dans l’honneur et l’enthousiasme ». Et n’y a-t-il pas lieu de rappeler que, durant la dernière campagne électorale, il récidivait le 14 mars 2014 en déclarant vouloir parcourir le Canada en indiquant chaque fois « notre désir que la question du caractère spécifique du Québec soit reconnue pleinement ».
La volonté d’apposer la « signature » du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982 semblait être ainsi accompagnée d’une échéance, à savoir la célébration du 150e anniversaire de la création du Dominion du Canada en 2017. Aujourd’hui, il semble que c’est la « réaffirmation » du pacte qui a donné naissance au Canada qui est envisagée pour marquer en 2017 l’appartenance du Québec au Canada.
Enjeu fondamental
Qu’il s’agisse de la « signature » de la Loi constitutionnelle de 1982 ou de la « réaffirmation » du « pacte », qu’on devrait comprendre comme faisant référence dans ce dernier cas à Loi constitutionnelle de 1867, le même enjeu fondamental se pose. L’État du Québec devrait-il procéder à une telle signature ou réaffirmation sans engager un débat public et obtenir l’assentiment du peuple du Québec avant de poser un acte de nature constitutionnelle ?
À cette question, la seule réponse possible est NON. L’Assemblée nationale du Québec et le gouvernement du Québec ne devraient en aucun temps faire un geste de nature constitutionnelle aussi fondamentale qui puisse engager le peuple du Québec. Une résolution visant à accepter la Constitution de 1982 ou une motion destinée à réaffirmer le pacte de 1867 ne revêtiraient, l’une ou l’autre, aucune légitimité démocratique. Un acte fait en ce sens par le seul gouvernement du Québec serait encore moins respectueux du principe démocratique. S’il voulait procéder ainsi, le premier ministre Couillard commettrait, comme l’a fait Pierre Elliott Trudeau en 1981 et 1982, un véritable coup d’État constitutionnel. Et une mobilisation citoyenne s’imposera pour empêcher qu’un tel coup d’État soit commis, non plus par le premier ministre du Canada cette fois-ci, mais par le premier ministre du Québec !
La société que l’on veut
Si Philippe Couillard avait de l’ambition constitutionnelle pour le Québec et du courage politique, il lancerait d’ailleurs une démarche constituante pour décrire, comme il en a déjà émis le souhait, « la société que l’on veut au Québec » ? Ne devrait-il d’ailleurs pas envisager de doter l’État du Québec d’une constitution interne, comme le proposait Paul-Gérin Lajoie en 1967, et de façon à donner effet, 50 ans plus tard, aux propositions qui étaient formulées dans un Rapport du comité des affaires constitutionnelles de la Fédération libérale du Québec ? Dans une résolution adoptée le 9 octobre 1967, ce comité proposait en outre d’« élaborer et adopter une constitution interne qui soit sa loi fondamentale » et recommandait aussi « la préparation de propositions précises du Québec sur la nouvelle constitution du Canada ». Dans ce rapport, le Parti libéral manifestait une volonté claire d’associer l’ensemble des Québécois et des Québécoises à sa démarche. Il se disait ainsi « résolu à poursuivre l’étude des modalités selon lesquelles ces options peuvent être réalisées » et s’engageait, « dès qu’il aura reçu la responsabilité du gouvernement, à consigner le tout dans les formes juridiques appropriées, et à le soumettre à l’approbation du peuple du Québec ».
Le gouvernement issu du PLQ n’a pas reçu le mandat de signer la Constitution de 1982 ni de réaffirmer le pacte de 1867. Il n’a pas non plus obtenu la majorité des suffrages lors de l’élection du 7 avril 2014. Les autres partis politiques qui ont sollicité l’appui des électeurs et électrices du Québec représentent près de 60 % du peuple du Québec. L’actuel gouvernement n’a ni l’autorité morale ni l’autorité politique pour imposer au peuple du Québec, sans son consentement exprimé dans le cadre d’un référendum organisé en application de la Loi sur la consultation populaire, l’ordre constitutionnel canadien actuel.
Le premier ministre ne saurait donc prétendre, comme il l’a fait le 6 septembre 2014, et dire ainsi parler en leur nom, que « les Québécois souhaitent que le pacte qui lui a donné naissance [au Canada] soit réaffirmé ». La démocratie a ses exigences et celles-ci devront toujours être rappelées au Parti libéral du Québec et à son chef, et en particulier d’ici au 1er juillet 2017.
Il faut empêcher ce deuxième coup d’État constitutionnel
Le gouvernement Couillard n’a pas reçu le mandat de signer la Constitution de 1982 ni celui de réaffirmer le pacte de 1867
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