À son meilleur, la politique représente le service du bien commun. Mais elle n’attire pas des anges absolument étrangers au désir du pouvoir ou pour le dire autrement, à la volonté de puissance. Ceux qui s’y lancent se sentent appelés au gouvernement de la chose publique et ils ont souvent la coquetterie de se croire indispensables à leur pays. Il n’y a rien de mal à ça. Et cela ne veut pas dire que les hommes de pouvoir n’ont pas d’idéaux. Même les plus grands héros conjuguent l’ambition de gouverner et le désir de servir. Il faut simplement le reconnaître, au nom de l’honnêteté intellectuelle. J’avais cela à l’esprit, aujourd’hui, quand j’ai vu la fameuse scène où Pauline Marois a senti le besoin d’éloigner un peu brusquement Pierre-Karl Péladeau du micro lorsqu’il s’en approchait pour répondre à une question qui lui était destinée.
Plusieurs se sont réjouis : Pauline Marois remettait à sa place son candidat, qui n’a certainement pas l’habitude de se faire ainsi brusquer. C’est dans la nature humaine : on aime voir les puissants se faire égratigner. C’est presque une manière de leur rappeler qu’ils appartiennent aussi à la condition commune. Il y a chez bien des gens une secrète perversion à l’humiliation des grands. D’autres ont traité la nouvelle plus sobrement : PKP, consciemment ou non, a complètement réorienté la campagne péquiste et en devenait la figure principale. Pauline Marois devait en reprendre le contrôle et réaffirmer son leadership. D’ailleurs, dans le cadre de cette conférence, PKP semblait lui-même avoir reçu la consigne de réorienter son message : il devait parler d’économie et ne pas «s’égarer» sur la question nationale, comme si on lui demandait davantage un discours sectoriel qu’une vue d’ensemble sur le Québec.
Une étrange impression en ressort. On dirait que la campagne péquiste est tentée de considérer PKP comme un problème à traiter, ou du moins, comme un candidat qui aura besoin d’un encadrement maximal pour ne pas déraper. Comme si en 72 heures, l’arme PKP s’était retournée contre son propre camp. On sentait chez les péquistes, aujourd’hui, une inquiétude lourde. Ce serait une terrible erreur. Son arrivée n’est pas seulement un bon coup médiatique : c’est le genre d’événement qui peut redéfinir une carte politique, pour peu qu’on sache bien canaliser et catalyser ses conséquences. Encore faut-il savoir qu’en faire. C’est à se demander si la direction du PQ a bien compris ce qu’elle faisant en l’attirant dans son équipe.
La candidature de PKP est exceptionnelle à tous les égards. Aussi bien l’assumer plutôt que la neutraliser. Cela ne veut pas dire qu’il faille transformer cette élection en référendum et traiter PKP comme le chef officieux ou le chef en attente du PQ. Manifestement, les péquistes ne sont pas outillés pour faire campagne sur la souveraineté. Une telle campagne se prépare au fil des ans, et ils ne l’ont pas fait. On a entendu les péquistes improviser des réponses sur la monnaie et les frontières alors qu’ils n’avaient pas réfléchi à cela pratiquement depuis des années. On devrait se rappeler la leçon de Jacques Parizeau : on se lance dans l’indépendance quand on a une véritable stratégie pour la faire. Sinon, on donne une impression d’amateurisme.
Mais tout cela dit, le poing tendu de PKP au nom de l’indépendance nationale était un défi à l’ordre canadien autant qu’un signe de mobilisation à l’endroit des souverainistes. Son arrivée dans le camp souverainiste rappelle que cette cause demeure le cœur vivant de la politique québécoise. Faut-il rappeler aux leaders péquistes que PKP, en un geste et une déclaration, a redonné espoir à bien des gens qui avaient renoncé au pays? Ce serait un peu bête, alors, de considérer tout cela comme une erreur stratégique sur laquelle on voudrait revenir.
Grandeur et misère de l’effet PKP
L'audace est le jugement qu'on substitue à posteriori à la témérité qui a réussi
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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