Mea culpa ! Mea culpa ! Cela fait des jours - que dis-je ? des semaines ! - que je veux vous parler de Gaza. Mais l'actualité, parfois celle d'ici, surtout celle du Liban, telle un arbre, nous empêchait de voir la forêt qui étouffe Gaza.
J'ai visité la «Bande de Gaza», mais c'était en 1980, à l'époque «idyllique» - l'appréciation est relative - où Gaza était vraiment une enclave de réfugiés, contrôlée par Israël. Et je dois témoigner qu'à l'époque Israël s'acquittait plutôt bien de ses responsabilités de fiduciaire de ce territoire illégalement occupé. On y mangeait à sa faim. Les écoles et les dispensaires - souvent opérés par de jeunes médecins et infirmiers israéliens - fonctionnaient bien.
Puis vint la guerre. L'horrible guerre entre un État dûment constitué et formidablement armé d'un côté, et un peuple aux mains nues d'autre part. Les enfants ont d'abord pris les lance-pierres, puis se sont serré la ceinture avec des bâtons de dynamite. Le reste, c'est une tragique histoire...
C'est devenu un prétexte...
J'aurais dû parler de Gaza plus tôt. J'aurais dû en parler au pire de la crise libanaise. Pour vous crier : vous croyez que ce qui se passe à Cana est insupportable ? Allez voir ce qui se passe à Jabalia ! La Bande de Gaza, c'est la face cachée et honteuse de l'État d'Israël...
Il y avait officiellement quatre millions de réfugiés palestiniens en 2003 mais ils vivent dans des conditions diverses. (Avec les Israéliens, les Palestiniens sont le peuple le plus éduqué du Moyen-Orient et certains s'en sortent très bien, constituant parfois l'élite intellectuelle d'Égypte ou du Liban, de l'Irak autrefois, et de toute l'Amérique du Nord, incluant le Québec !) Le quart de ces réfugiés vivent à Gaza dans des conditions que le directeur pour l'Agence des Nations Unies pour le secours aux réfugiés palestiniens (UNWRA) a ainsi qualifiée au cours d'un entretien avec le correspondant de l'Agence France Presse : « Tous les éléments d'une existence civilisée s'effondrent : il y a un manque de nourriture, pas d'électricité, pas de salaires, les services publics sont en pleine déliquescence. Mais plus encore, il y a un sentiment d'emprisonnement avec le bouclage du territoire... »
Le patron de l'aide humanitaire à l'ONU - Jan Engeland - lance un cri d'alarme : « Gaza est une bombe à retardement ».
Tout a commencé lorsque les pays occidentaux - qui avaient exigé la tenue d'élections démocratique pour assurer le remplacement de Yasser Arafat - ont refusé de reconnaître le choix du peuple palestinien, la majorité du Hamas. Le gouvernement du Canada fut un des premiers à refuser le résultat des élections puis à couper les vivres aux organisations humanitaires.
Puis vint l'affaire de l'enlèvement d'un soldat israélien par des militants du Hamas infiltrés en territoire israélien, le 25 juin 2006. Il a été peu rapporté que la veille, le 24 juin, l'armée israélienne avait kidnappé deux civils palestiniens. Et encore moins rapporté que le 22 juin, au cours d'un petit déjeuner offert par le Roi de Jordanie, le président de l'Administration palestinienne, Mahmoud Abbas, et le premier ministre d'Israël, Ehud Olmert, discutaient d'un plan de paix.
Se pourrait-il qu'il y ait eu convergence d'intérêt entre l'aile radicale du Hammas palestinien, et les faucons de l'armée israélienne qui n'ont jamais considéré Ehud Olmert comme un vrai chef de guerre ? Tout cela fait l'objet d'une analyse fascinante publiée cette semaine dans le Globe & Mail et écrite par le très respecté Hugh Graham [La copie n'est pas fameuse mais c'est le seul moyen d'accès!].
Le résultat en est de terribles souffrances pour le million de Palestiniens réfugiés dans les camps de Gaza. Eux ils y ont goûté pendant que le monde avait les yeux tournés vers le Liban. Israël s'est tout permis là-bas : bombardement de civils, destruction de ministères dans les Territoires occupés de Cisjordanie, enlèvement - eh oui ! - de députés et d'un ministre du gouvernement palestinien.
La rage israélienne sur le petit peuple palestinien sans défense n'avait d'égale que la férocité de la résistance du Hamas à l'autre bout du territoire israélien. Une rage incompréhensible quand on sait que la majorité des soldats israéliens sont des conscrits, des gars et des filles bien ordinaires. Ce qui m'amène aux constatations du journaliste Gideon Levy, correspondant du journal Haaretz particulièrement intéressé par les affaires palestiniennes. Certains d'entre vous le citent souvent...
Dans [Le Monde du 5 septembre->1888] - la version de cet article est plus complète que celle publiée aujourd'hui dans Le Devoir - le journaliste Sylvain Cypel raconte le parcours de ce journaliste israélien engagé. Pour ceux qui ne voudraient pas lire l'article, je citerais seulement cette terrible réflexion de Gideon Levy sur le comportement des jeunes soldats israéliens à Gaza : « J'ai compris que quelque chose d'épouvantable nous arrivait. Nos jeunes ne sont pas des monstres. La plupart mettraient la main à la poche pour les victimes d'un séisme au Mexique. Pourquoi, dès qu'ils font face aux Palestiniens, se déshumanisent-ils ? Parce que la routine de l'occupation les pourrit, les amène à cesser de voir dans les Arabes des hommes comme eux. »
C'est terrible ce qu'une guerre peut faire de jeunes soldats. Les Français ont connu cela en Algérie. Les Américains au Vietnam, et aujourd'hui en Irak. Et les Israéliens depuis que l'État d'Israël existe.
Peut-on prier pour que le gouvernement du Canada ne fasse pas de ses jeunes soldats - nos enfants, nos frères, nos voisins - de tels monstres qui ne reconnaîtraient plus dans les Afghans « des hommes comme eux »...
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé