Dans un revirement qui pourrait être historique, des anglophones frustrés pensent délaisser le Parti libéral du Québec aux prochaines élections provinciales. Ils s’estiment tenus pour acquis.
« Je suis vraiment frustré contre le PLQ. On est dus pour du changement. Dans les circonscriptions anglophones, un lapin pourrait se présenter comme candidat pour le PLQ et l’emporter », ironise l’avocat Harold Staviss.
Le sujet fait l’objet de discussions dans les chaumières, ont raconté plusieurs anglophones rencontrés à Rawdon, dans Lanaudière, où la communauté anglophone est particulièrement active. « Je dirais que c’est 50-50 », estime Robert Ranger, 80 ans.
« Les libéraux ont été nuls. Ils ont pris nos votes, notre argent et n’ont rien fait », dit le Montréalais Gary Shapiro, 62 ans, un de ceux qui croient que le PLQ perdra des votes anglophones.
« Ce serait historique », abonde Robert Libman, 57 ans, de l’ancien Parti Égalité, qui a fait élire quatre députés à l’Assemblée nationale en 1989 pour défendre les intérêts des anglophones.
Depuis l’émergence des débats linguistiques, le vote des anglophones est systématiquement allé au PLQ. Mais pour la première fois en 40 ans, un autre parti fédéraliste a des chances de former un gouvernement : la Coalition avenir Québec (CAQ), qui caracole en tête des récents sondages.
Nouveau secrétariat
Robert Libman croit que c’est par crainte de voir le vote anglophone s’éroder que le PLQ a créé un Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise l’automne dernier.
« Ce n’est pas une préoccupation, dit la ministre Kathleen Weil. Notre motivation, c’est l’urgence d’agir. Notamment pour régler les problèmes de pauvreté et de vulnérabilité dans plusieurs communautés anglophones, précise-t-elle.
Un assouplissement de la loi 101, comme le voudrait une majorité d’anglophones, n’est pas dans les plans du PLQ », affirme Mme Weil.
« Reste que rien n’est gagné d’avance pour la CAQ, nuance Sylvia Martin-Laforge de QCGN, un organisme qui réunit des groupes communautaires de langue anglaise.
Ça va dépendre de ce que les partis ont à offrir », dit-elle.
De plus, le passé péquiste du chef François Legault pourrait lui nuire. « Qui nous dit que [les caquistes] ne vont pas changer d’idée et eux aussi se mettre à parler de séparation ? », s’interroge Mike Séguin, rencontré dans un club de vétérans à Stanstead, où plus de la moitié de la population est anglophone.