Cette semaine, on apprenait que la Fédération des cégeps proposait de permettre aux étudiants l’usage d’un logiciel de correction grammaticale lors de l’épreuve uniforme de français. Si cette idée a été rejetée par la ministre de l’Enseignement supérieur, il semble que s’impose une réflexion autour de l’inquiétant phénomène qui consiste à reléguer la maîtrise de la langue française au rang des vulgaires obstructions à l’atteinte des cibles de diplomation.
Il y a longtemps que le milieu de l’enseignement a capitulé devant le chantage de ces cibles. Si dans grand nombre de départements de sciences sociales on établit à 10 % le minimum de points pouvant être retirés dans une évaluation pour les fautes d’orthographe, en classe, la réalité est parfois bien différente.
Lorsque les étudiants prennent possession du plan de cours, il arrive qu’ils constatent que l’enseignant a habilement travesti ce minimum en un maximum. Résultat des courses ? Un travail de rédaction, truffé d’erreurs d’orthographe, peut toujours concourir à l’obtention d’un 90 %.
Le rôle des enseignants
Il serait facile de blâmer les enseignants et les directions d’école en leur reprochant de renoncer à leurs engagements. Toutefois, il serait injuste de les prendre seuls à parti. À l’exception de ceux qui s’acharnent à défendre la vocation magistrale et de ceux qui parviennent à jouer un rôle inattendu, voire héroïque, dans le parcours de leurs étudiants, les enseignants sont pour la grande majorité le simple reflet de la société. Une société qui embrasse la discipline, la rigueur des méthodes et le respect des autorités met au monde des maîtres qui en sont l’incarnation.
À l’opposé, une société qui valorise les vertus de la contestation endémique, la déconstruction ainsi que la conquête de l’émotion instantanée sur la poursuite méritoire de l’émerveillement, met au monde des enseignants qui s’inclinent devant les exigences les plus viles de leurs étudiants.
Continuer de mener la bataille
Que la chose soit claire : la proposition de la Fédération des cégeps était absurde et a laissé derrière elle le parfum de l’abdication. Cependant, elle n’est pas à l’origine du mal, elle en est seulement le symptôme et, si la Fédération a osé la faire parvenir à la ministre, c’est que ses membres, présents sur le terrain, saisissent depuis longtemps qu’avec des jeunes à l’aube de la vingtaine, il est plus réaliste de tapisser une inaptitude – aussi profonde soit-elle – que d’effectuer un virage radical dans leur éducation.
Si nous nous sommes rendus jusqu’à considérer sérieusement une proposition pareille, c’est donc la faute de chacun d’entre nous. Il faut continuer de mener la bataille à l’intérieur des murs des écoles, mais elle doit aussi être réduite à sa plus simple expression à l’extérieur, en amont.
Les tout nouveaux parents doivent convier leurs enfants aux classiques. Ces jeunes s’aventureront peut-être dans le théâtre, la poésie, l’univers romanesque, peut-être même celui des idées. Ensevelie sous la culture américaine, la société québécoise doit retrouver son souffle et cet amour pour la langue française. Nous devons le répandre à nos proches, demeurer attentifs, nous attarder à ces regards émus et curieux qui se révèlent parfois à nous comme la lumière se démarque dans la nuit. Il vaut la peine d’entretenir ces regards qui sont chaque fois ceux de l’espoir. Ce n’est pas toujours la faute des autres. Ce l’est même rarement. Lorsque nous ferons tous preuve de courage, nous n’attendrons plus celui des autres.
Rémi Villemure
Auteur et étudiant à la maîtrise en histoire Montréal
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