Les campagnes de financement ne risquent guère de disparaître. Ce qui est menacé de disparition, c'est le financement «légal».
Photo: Robert Skinner, archives La Presse
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Après le scandale des commandites, l'affaire Vision Montréal et les récentes révélations de l'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare, notre loi électorale doit être mise au banc des accusés.
Si ces révélations ne nous ont pas permis d'identifier une grande mafia du financement politique, on peut néanmoins y flairer la présence de plusieurs organisations s'adonnant à des activités illicites et occultes.
En 1977, l'Assemblée nationale du Québec adoptait une loi régissant le financement électoral. On la disait une des plus rigoureuses au monde. Trente ans plus tard, on tente de colmater les brèches en renforçant toujours plus la législation.
Ce qu'on feint d'ignorer, c'est que souvent ce sont les lois et impôts abusifs qui font naître les activités illicites. Dans les années 20, les gouvernements canadiens et américains ont légiféré pour tenter d'éliminer les boissons alcoolisées de nos vies. Il s'en est suivi ce que plusieurs qualifient d'âge d'or de la corruption et du marché noir.
Vous pensez que j'exagère en rappelant les conséquences désastreuses de la prohibition? Il n'en reste pas moins que cette période de notre histoire est riche d'enseignement pour comprendre les scandales à répétition qui marquent notre vie politique.
Ce n'est pas parce qu'on adopte une loi pour contraindre le financement électoral que les besoins financiers des partis disparaissent. On a beau se remémorer la campagne singulière de la mairesse Boucher, il reste qu'au Québec, on a l'habitude de dire qu'on ne fait pas des élections avec des prières.
En réalité, les campagnes de financement ne risquent guère de disparaître. Ce qui est menacé de disparition, c'est le financement «légal». Parce que la demande existe toujours, c'est une offre illégale qui doit la satisfaire. Ainsi se développe le marché noir du financement politique.
Un des problèmes du financement illégal, c'est qu'il coûte plus cher que ne coûterait un financement sur le marché légal. En vertu des contraintes et sanctions potentielles, le nombre de personnes disposées à contribuer illicitement à la caisse de nos partis politiques est restreint. En conséquence, les prix évoluent à la hausse et les retours d'ascenseur se doivent d'être toujours plus généreux. C'est ainsi que le favoritisme s'installe dans les moeurs.
À vouloir restreindre par la force les sources de financement des partis politiques, on ouvre la porte aux organisations illicites et occultes. On attire sur le marché politique des petites mafias qui, grâce à un puissant réseau d'influence, servent la caisse de nos partis.
Jusqu'à maintenant, le débat sur le financement de nos partis s'est tenu sur les plans moral, juridique et répressif. C'est peut-être là le hic?! On oublie que lorsque nos gouvernements ont mis fin à la prohibition de l'alcool, la mafia a dû cesser ses activités. On néglige l'idée qu'il suffirait de relaxer les contraintes imposées par notre loi électorale pour contrer la corruption.
Bref, si le but de la loi actuelle est de favoriser la transparence et l'équité entre les partis politiques, il faudrait peut-être se demander si on n'amplifie pas le problème en laissant notre système démocratique à la merci de petites mafias. On dit souvent qu'entre deux maux, il faut choisir le moindre!
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Pierre Simard
L'auteur est professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec.
Financement des partis: à la merci des petites mafias
Enquête publique - un PM complice?
Pierre Simard13 articles
L'auteur est professeur à l'École nationale d'administration publique à Québec.
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